Chronique

Clovis Nicolas

Freedom Suite Ensuite

Clovis Nicolas (b), Brandon Lee (tp), Bruce Harris (tp), Grant Stewart (ts), Kenny Washington (dm)

Label / Distribution : SunnySide Records

Quelles harmoniques, quel swing ! Sans piano ni guitare (il y a bien des groupes sans basse), mais avec tambours (immense Kenny Washington à la batterie), trompette (Brandon Lee et Bruce Harris alternent avec une classe sans pareille) et saxophone (Grant Stewart, saisi par l’émotion), le contrebassiste Clovis Nicolas, ex-Aixois installé désormais à New-York, est réellement habité par son instrument. Au point que l’on peut légitimement se demander s’il n’est pas davantage joué par ce dernier plutôt que le contraire.

Ecoutez ce walking suprême développé par notre frenchy, et vous comprendrez qu’il est plus qu’habité par une partition intérieure ! Et ce sens du lyrisme et du funk ? On reconnaîtrait là l’influence d’un Ron Carter, dont il fut le disciple. Il y a, chez lui, comme une mystique de la contrebasse issue de l’urbanité new-yorkaise : son aisance rythmique et sa simplicité mélodique se fondent à merveille dans les évocations de la métropole américaine que sous-tendent ses compositions. Clovis Nicolas n’oublie pas, comme le veut l’adage, de « phraser comme un saxophoniste » : on entend un propos « rollinsien » jusque dans l’écriture.

Or, avancer sur les chemins escarpés de la « Freedom Suite » de Sonny Rollins (puisque tel est ici le propos principal), c’était non seulement casse-gueule, mais c’était aussi oser s’emparer, à la manière d’un corsaire du jazz, d’un navire musical chargé de trésors pour mieux en livrer les ors au peuple. Cette relecture de la face A du disque originel ne relève pas tant de compétition ni de quelque espoir chimérique de se hisser à la hauteur de ce dernier (le premier disque de jazz sans instrument présumé harmonique) mais bel et bien d’une Quête. Si la session de Rollins, Roach et Pettiford apparaissait comme un Graal depuis 1957, la session de Clovis Nicolas et ses acolytes, en 2017, relève d’un éternel retour à l’expérience fondamentale du jazz.