Chronique

Thomas Bramerie Trio

Side Stories

Thomas Bramerie (b), Carl-Henri Morisset (p), Elie-Martin Charrière (dm)

Label / Distribution : Jazz Eleven

Quand l’un des sidemen les plus recherché de la planète jazz ose enfin commettre un album en tant que leader, cela ne peut que produire des pépites. Placé sous les auspices de l’élégance classique d’un Edward Elgar (« Salut d’Amour »), du bebop le plus menaçant débarrassé de ses oripeaux devenus trop académiques (impressionnante version du « Played Twice » de Monk) et du groove revendicatif du hard-bop (méchante livraison du « Work Song » de Nat Adderley), Thomas Bramerie s’émancipe enfin dans un maelström d’émotions.
Il jongle avec la musique entre humour et mélancolie : ne sont-ce pas là deux mamelles originelles du jazz à la source desquelles il se délecte et régale nos sens ? Certaines de ses compositions ont des atours de véritables standards, tel ce somptueux « Chantez », dont l’imparable pulsation et l’évidente mélodie donne immédiatement envie de… chanter justement, mais aussi de danser ! Et puis ses sidemen ont quelque chose de magique : entre le jeu de piano discret et gorgé de swing de Carl-Henri Morisset et la batterie aérienne d’Elie Martin-Charrière, le contrebassiste toulonnais d’origine périgourdine, désormais installé outre-Atlantique, peut se laisser aller à une douce folie.
Plus, quand il retrouve ses compagnons de route que sont Stéphane Belmondo, Eric Légnini ou Jacky Terrasson, qu’il a longtemps accompagnés sur disque et sur scène, il partage des émotions d’enfance plus que bienvenues. Nanti d’un jeu hautement spirituel dans l’art de la quatre-cordes, Thomas Bramerie s’impose comme un véritable bluesman : le traitement réservé à la chanson « Avec Le Temps » sublime l’éternelle rengaine de Léo Ferré dans l’universalité de notes bleues.
Entre puissance sensuelle et sérénité sans fard, ce premier album à son nom impose le contrebassiste comme un horizon poétique, non pas indépassable mais libre, enfin.

par Laurent Dussutour // Publié le 25 novembre 2018
P.-S. :

Avec : Stéphane Belmondo (tp), Eric Légnini (p, elp), Jacky Terrasson (p)