Chronique

D’Agaro / De Mattia / Maier

Tea Factory

Daniele D’Agaro (cl, bcl), Massimo de Mattia (fl), Giovanni Maier (b)

Label / Distribution : Rudi Records

Avant toute chose, il convient de préciser que la chronique du présent Tea Factory a été confiée à un buveur de café invétéré. Du genre qui prend le thé pour un aimable remède médicinal douceâtre juste bon à passer le rhume des foins : on traite le mal par le mal. On ajoutera que le trio sans batterie composé du flûtiste Massimo de Mattia et de deux musiciens déjà aperçus ensemble dans « Disorder at the Border », l’ancien contrebassiste de l’Instabile Orchestra Giovanni Maier et le clarinettiste Daniele D’Agaro est totalement italien, comme l’espresso ristretto et le label Rudi Records. C’est dire si le voyage proposé tient du saut vers l’inconnu ; dans la fabrique à thé du groupe, on produit une musique aussi subtile que les arômes du breuvage. C’est du moins ce que prétendent les théïnomanes.

On a beau ne pas se pâmer devant la décoction, on a néanmoins un nez. Lorsque sur « Mint » la flûte de De Mattia, omniprésente et entêtante, tourne telle une fumerolle autour des claquements secs caractéristiques du jeu de Maier, on retrouve le goût poivré, légèrement malicieux de la menthe. De la même façon, la clarinette est douce, boisée et sucrée sur « Cinnamon » lorsque la flûte se fait plus acidulée. En arrière-plan, voire en arrière-bouche, le jeu de Maier a des aspects tanniques. Le trio, qui se connaît très bien, pérégrine ainsi en liberté dans les fragrances de thé. De Mattia, à qui l’on doit l’excellent Black Novel chez Rudi Records a déjà croisé Maier dans un album justement intitulé Skin, où émargeait également Zlatko Kaučič. Il y a dans Tea Factory la volonté de traduire des sensations, même fugaces ou soudaines, à l’instar du piquant « Ginger », courte attaque d’archet solitaire, comme une touche personnelle. Chacun à la sienne : « Lemon » est destiné à la flûte de De Mattia et s’offre quelques senteurs orientales. Quant à « Blackcurrant », c’est l’acidité qui prédomine dans le jeu de D’Agaro.

Rien n’est univoque dans Tea Factory : les compositions instantanées usent des constructions de timbres comme des bouquets d’arômes. « Rooibos », morceau le plus long de l’album explore une forme ouverte où les atmosphères sont changeantes, parfois chargées, souvent complètement vaporeuses. A l’inverse, « Mango » est d’avantage compact, animé de mouvements imperceptibles et doux. Le principal, c’est l’interaction qui naît tout autant des cordes frémissantes que des sifflements de De Mattia. Ceux d’une bouilloire ? Peu importe. Très vite on oublie qu’il s’agit de boisson chaude, mais bien d’une musique libre et euphorisante. De celles qu’on préférera toujours en vrac plutôt qu’engoncée dans des sachets. A déguster sans modération.