Chronique

Maier / D’Agaro / Kaučič

Disorder at The Border

Giovanni Maier (b), Daniele D’Agaro (ts, as, bcl), Zlatko Kaučič (dms, perc)

Label / Distribution : Palomar Records

Avec Disorder at The Border, ce sont trois routiers du jazz européen qui se retrouvent ensemble sur la scène du Jazz Hram Festival de Divača en Slovénie. Un premier disque pour ce trio dont la liste des collaborations donne le tournis : le contrebassiste Giovanni Maier, patron de Palomar Records qui accueille cet enregistrement, est un ancien de l’Instabile Orchestra et un compagnon de route régulier d’Enrico Rava ; avec le multianchiste Daniele D’Agaro, il anime Lingua Franca. Ce compatriote, qui sait être aussi bien musculeux au saxophone (« Disorder #5 », joué droit devant) que d’une rare douceur à la clarinette, est quant à lui un familier du label HatHut, que ce soit avec Han Bennink (Strandjutters) ou Jeb Bishop (le formidable Chicago Overtones). Troisième pointe du triangle, le percussionniste Zlatko Kaučič a souvent fait la paire avec Maier, au sein du Dreilander Trio avec le pianiste Claudio Cojaniz ou avec la chanteuse kazakhe Saadet Türköz.

Autant dire que l’orchestre se soucie peu des douanes. C’est sans doute le sens du titre de l’album, plus qu’une référence au morceau de Coleman Hawkins dont on n’entend ici aucune évocation. L’Italie et la Slovénie sont voisines, et si l’Histoire entre les deux pays n’a pas toujours été simple, les rythmiciens sont soudés. En témoigne « Disorder #3 » où ils forment une trame très dense qui permet à la clarinette basse de ballotter au gré de pizzicati puissants. Divisé en six parties assez longues, le concert passe par divers états. Le premier consiste en un échange acrimonieux entre Kaučič et D’Agaro, qui semble buter sur un drumming nerveux pendant que Maier tient une ligne sèche. Le climat s’adoucit peu à peu à mesure que le temps passe et que les forces s’équilibrent.

C’est « Disorder #4 », au cœur de l’album, qui offre le moment le plus intense de cette rencontre ; c’est un instant de concorde, aux franges du silence parfois où quelques cymbales palpitent pendant que clarinette basse et contrebasse devisent sereinement. C’est un fait établi : si le désordre est aux frontières, c’est que le centre est pacifié. Une belle plongée dans l’univers d’improvisateurs remarquables, trop méconnus dans l’hexagone.