Chronique

Giovanni Maier

Azure

Giovanni Maier (b), Lauro Rossi (tb), Emanuele Parrini (vln), Luca Calabrese (tp)

Label / Distribution : Palomar Records

L’orchestre que Giovanni Maier réunit sur son label Palomar Records a tout pour surprendre. Par son choix instrumental d’abord, puisque ce quartet sans batteur est à parité de cordes et d’embouchures. Lorsque la contrebasse claque avec une sécheresse bien connue, la batterie est superfétatoire. Le jeu, délesté de la pulsation des fûts, peut se permettre de distendre les thèmes et les façonner avec une grande légèreté. Le temps est suspendu, on y voyage. Le trajet est assuré par le violon d’Emanuele Parrini ; les amateurs de jazz italien l’auront déjà découvert dans ses Viaggio al Centro del Violino paru sur le label Rudi Records. Des disques à la forte identité free, citant Roswell Rudd et John Tchicai. Le répertoire d’Azure investit certes des morceaux d’avant-guerre, mais l’éclatement des formes y est également présent. C’est la tâche assignée au trompettiste Luca Calabrese et au tromboniste Lauro Rossi, qui apportent une puissance cuivrée marquée par un subtil jeu de sourdines. Elles sont omniprésentes et les font parfois se confondre, notamment lorsque la coulisse vient suppléer les obligations rythmiques de Maier sur la lente déconstruction du « Black And Tan Fantasy » d’Ellington.

Au premier abord, il pourrait paraître surprenant d’imaginer quatre musiciens de l’Italian Instabile Orchestra, qui comptent tous dans leur discographie des collaborations avec Anthony Braxton ou Cecil Taylor, s’emparer du « Nuages  » cher à Django Reinhardt. L’alchimie pourtant fonctionne. Dans les premiers instants, Parrini évoque des souvenirs familiers, et puis un doute s’instille à mesure que Lauro Rossi vient paraphraser l’archet. Le thème s’égare dans un dialogue extrêmement serein entre Maier et Calabrese, avant de réapparaître cabossé mais jamais outrancier. Il y a dans Azure un respect profond pour ces titres créés entre 1919 (« Royal Garden Blues ») et 1940, et une volonté de les mettre en perspective de la modernité revendiquée par les musiciens.

C’est dans les morceaux signés par le quartet que cette démarche est éclairante. La walking bass de Maier sur « Crayon Rouge » est, elle aussi, très référentielle, mais vite sédimentée par l’espièglerie de l’échange entre Parrini et Rossi. Le tromboniste est l’agent provocateur de l’ensemble. Un rôle de trublion qui lui sied à merveille, notamment sur son « Inferno Zero » où il s’offre un splendide solo, virulent et sans virtuosité excessive. Le disque d’un groupe uni et fort égalitaire qui regarde dans le rétroviseur et ne s’embarrasse pas de fausse nostalgie.