Chronique

David El Malek

Travelling

David El Malek (ts), Alex Tassel (fh), Pierre de Bethmann (p).

Les disques de David El Malek en tant que leader ne sont pas légion : on compte en effet six albums en un quart de siècle environ. Voilà en outre une dizaine d’années qu’on attendait un successeur au second volume de Music From Source, fruit d’un travail par lequel le saxophoniste célébrait des musiques traditionnelles en lien avec les années de son enfance, les huit premières, passées en Israël. On peut considérer que, d’une certaine façon, Travelling creuse un sillon voisin dans la mesure où huit des neuf thèmes présents sur cet album, dont la brièveté (un peu plus d’une demi-heure) le dispute à l’intensité, ont pour origine des musiques composées pour la plupart par des chanteurs ou chanteuses israélien·ne·s ou d’origine juive. Auxquelles on ajoutera une reprise de « Pépée » signée Léo Ferré. Autant de chants que David El Malek porte en lui depuis très longtemps et qu’il a choisi de transfigurer en les parant d’un écrin passionnel qui est sans doute l’expression de son âme et de sa quête existentielle. Car si l’homme reste mystérieux, le musicien, lui, est totalement habité. Ces deux aspects, à l’évidence liés, le définissent assez fidèlement.

Suspension, espace, silence, pureté… On pourrait multiplier les mots caractérisant un enregistrement qui, c’est le moins qu’on puisse dire, prend le contrepied de ce que le saxophoniste laisse entendre sur scène lorsqu’il délivre de longs chorus à la spiritualité toute coltranienne aux côtés de ses compagnons de route Pierre de Bethmann, Diego Imbert, Christophe Dal Sasso ou Sophie Alour. Ici, rien de tel : non que l’improvisation soit totalement absente, mais elle est rare et réduite à son strict minimum dans une évidente volonté de concision. C’est un chant profond qui s’impose avec majesté, mis en musique dans une formule acoustique en trio synonyme d’épure. Aux côtés de David El Malek, on peut entendre Alex Tassel et son bugle (souvent à l’unisson du saxophone) et le fidèle Pierre de Bethmann. Chez eux non plus, la démonstration virtuose ne saurait être de mise. Ils sont justes, tout simplement. On écoute Travelling d’une traite, presque en retenant son souffle, happé par sa beauté lumineuse et mystique à la fois, transporté par une force intérieure dont on trouvera peu d’équivalents dans la production musicale actuelle.