
Dawda Jobarteh & Stefan Pasborg
Live in Turku
Dawda Jobarteh (kora), Stefan Pasborg (dm).
Label / Distribution : April Records
Jobarteh est un nom incontournable dans l’histoire de la kora gambienne, et même si Dawda Jobarteh n’a a priori pas de liens familiaux avec la chanteuse et koraïste Sona Jobarteh [1], il s’est imposé depuis quelques années comme l’un des grands noms de son instrument ; formé par son oncle à la tradition griotique au Danemark où il est installé, Dawda Jobarteh a travaillé aux côtés du contrebassiste Pierre Dørge. Il est de ceux qui n’hésitent pas à électrifier l’instrument pour dialoguer autrement avec des musiciens occidentaux, donnant à son propos un caractère plus urbain, jamais éloigné de la tradition mais diablement moderne et virulent. « Folkman » et ses riffs acides sur la crête des cymbales du batteur Stefan Pasborg en est l’illustration, sorte de blues mandingue fiévreux porté par un groove grasseyant, et bitumineux.
La relation entre Jobarteh et Pasborg est joyeusement orageuse. Dans « Go Dawn », la rythmique furieuse et endémique trouvée par le batteur néerlandais pousse une kora d’abord légère à se faire nerveuse et bondissante. Enregistré à Turku, dans le sud de la Finlande suédophone, ce disque court paru sur le label April Records constitue une de ces bonnes surprises inattendues, où la musique gambienne (« I Met Her By the River ») se carambole à un blues puissant, qui pourrait avoir poussé dans un bayou lointain. Sacré triangle des Bermudes que Pasborg anime avec cette même force qui nous avait fait aimer son puissant (et très zappaïen) Odessa 5.
Et puis il y a le clou du spectacle. La double reprise de « Togo » de Blackwell et surtout l’incroyable « Better Get It In Your Soul » de Mingus tel qu’on ne l’a sans doute jamais entendu, comme tiré d’une faille improbable où la kora l’emmène, sans rien perdre de la corpulence du morceau que Pasborg enflamme d’une batterie sèche et violente. Live In Turku est un dialogue sans filtre, absolument réjouissant, qui ne rentre dans aucune case. On ne saurait demander davantage.