Chronique

Denis Desassis & Jacky Joannès

La Part des Anches

Label / Distribution : Auto Productions

Les lecteurs assidus de Citizen Jazz ont pris l’habitude de lire les chroniques de Denis Desassis et connaissent son sens du détail. Après l’avoir éprouvée depuis des années pour le magazine mais aussi pour des émissions de radio ou des notes de pochettes, c’est vers la fiction qu’il a décidé de diriger sa plume. Il y a quelques années, Ladies First ! contait la destinée d’une chanteuse oubliée qui voyait sa carrière relancée par une bande de passionnés, le voici qui revient avec La Part des Anches. Il y est question, qui en douterait, de musique et plus particulièrement de disque ; on ne se refait pas.

Voici l’histoire d’une rencontre sous le ciel lourd de Nancy. L’objet d’abord, qui s’accompagne d’images de saxophonistes capturés par Jacky Joannès, vieux complice de Denis. C’est avec lui qu’avait été montée l’exposition du même nom au Nancy Jazz Pulsations. Le scénario ensuite, qui met en scène Gilles Le Vaillant, photographe de concert aussi taiseux que méticuleux et Jeanne Keller, saxophoniste lorraine dont on songera à tous les calques successifs qu’il aura fallu pour composer le personnage. Derrière un amour inextinguible où le silence et la timidité sont décidément les armes favorites des amateurs de disques, le livre détaille avec acuité, étape par étape la confection d’un album et la germination d’un projet artistique.

Mélangeant avec malice les acteurs réels (le quartet improbable de Jeanne Keller est laissé à la surprise du lecteur) et imaginaires, La Part des Anches dit avec beaucoup de simplicité et même de candeur ce qu’est la passion dévorante de la musique, vue du côté du feu intérieur. Les chapitres courts, à peine plus qu’une chronique, sont un exercice de style qui donne du rythme, tout en ne négligeant pas les propres marottes de l’auteur : Coltrane, la Lorraine ou bien Michel Tournier, omniprésent tant dans la narration que dans le style. Tout amoureux de musique obsessionnel se retrouvera un peu dans le personnage principal. Avouons-le sans rien révéler : nous sommes Gilles Le Vaillant.