Chronique

Denis Fournier, David Caulet

The Long Walk

Denis Fournier (dm), David Caulet (s)

Label / Distribution : Vent du Sud

En rendant hommage à The Long March (Hat Hut, 1979) signé Max Roach et Archie Shepp, Denis Fournier et David Caulet se situent avec The Long Walk dans le prolongement de ces illustres aînés (ou encore, dès 1967, de John Coltrane et Rashied Ali et Interstellar Space) en renouant avec la pratique du duo saxophone batterie. L’urgence n’est aujourd’hui bien évidemment plus la même mais la sincérité de l’initiative permet de retrouver toute la saveur d’un exercice en rien évident.

Chaque partie se situe, en effet, aux antipodes du discours musical convenu. Dans une formation traditionnelle, là où le saxophone tient traditionnellement la mélodie, la batterie se charge de la rythmique. Ici, entre les deux, il n’y a rien. Dénudé voire squelettique, cet arc musical est surplombé par un vide qui trouve justement sa force dans son austérité et fait de ce dépouillement le moyen de dégager de nouvelles voies.

En cela, ces deux musiciens du Sud de la France usent de tous les moyens. Denis Fournier, qui avait participé en 2012 au Mystère de la pyramide au côté de trois autres batteurs, exprime sur ses fûts et cymbales toute une palette de couleurs, des plus profondes au plus aériennes. Dans une approche assez verticale, il tapisse le sol de couches toniques et si sa polyrythmie peut évoquer celle d’Elvin Jones c’est cependant avec beaucoup plus de retenue qu’il la pratique.

David Caulet, de son côté, dont nous louions ici les qualités d’instrumentiste à l’occasion de son travail en solo About 24.5 déploie une sonorité pleine et chaleureuse, sur tous les saxophones : du baryton où il fait gonfler des nappes gorgées d’harmoniques graves à un soprano qui évoque quelque flûte orientale.

A travers huit pistes, le duo oscille entre gravité et griserie. Soudé robustement ou de manière plus elliptique, il travaille sur des motifs a-mélodiques engendrant des masses sonores avec une générosité qui évite l’abstraction. Car même s’il se confronte de temps à autre à l’orage, le répertoire évite les redites et la diversité de climats et de développements dramaturgiques maîtrisés ne laissent jamais l’auditeur à l’écart. Le titre “Ubuntu”, certainement le plus posé, permet même une écoute attentive de toutes les stratégies qu’ils mettent en jeu pour développer un son homogène et sensuel.