Chronique

Dennis Gonzalez Yells At Eels

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Dennis Gonzalez (tp, kb, samples), Aaron Gonzalez (b), Stefan Gonzalez (d), Tim Green ( ts, saxello), Shane Cooper (g), Scott Bucklin (p).

Label / Distribution : Daagnim

Après une absence de quelques années, le trompettiste de Dallas Dennis Gonzalez revient sur deux albums, dont le prochain, Herido, sera chroniqué prochainement. Sur celui-ci il est entouré de ses deux fils adolescents. La joie de jouer en famille est évidente tout au long de cet album.

Honneur au père. Dennis, plus qu’un son, c’est un chant de trompette qu’il développe. Peu de feu d’artifice(s) (sauf peut-être sur Document for Leo Smith), mais plutôt le feu de l’âme à travers vibrato, silences et mélodies. Aux blues s’allient les souvenirs d’un distant passé mexicain, et l’on qualifiera son son de nostalgique, sensuel, langoureux (Nils Petter’s Foxtrot, Home, Document for Toshinori Kondo, Ganesha the Spy). N’oublions pas non plus cette ouverture d’esprit exprimée dans le désir de mélanger les sons, les genres, pour en tirer un nouveau son homogène. Si ce désir mène parfois à un échec relatif (la masse sonore un peu confuse de Beat’go), écoutez l’unisson trompette-synthé de Document for Leo Smith pour en voir un des succès, puis demandez-vous quelle est la dernière fois que vous avez entendu une moto sur un disque de jazz.

Place aux enfants. Ici, la valeur n’a point attendu… Aaron sait jouer de la distorsion avec sa basse électrique, mais sait aussi mettre en place des vamps acoustiques à la Dave Holland. Acoustique ou électrique, il a toujours un son lourd et dense, qui se fait explorateur en solo (Ganesha the Spy). Stefan complète un triangle dont les extrémités mènent un dialogue libre au centre. Il se montre propulsif mais aussi réceptif au jeu des autres, comme l’on peut s’en rendre compte dans son accompagnement derrière le solo de Bucklin (Ganesha the Spy) ou dans les coups vibrants de caisse claire de Home.

Le quatrième élément important de cet album est la production : un son caverneux, un peu distancié qui, paradoxalement, nous rapproche de la musique et lui confère une émotion très particulière. L’on sent qu’il a été travaillé parallèlement aux thèmes ou arrangements : avec un production différente, le thème de Document for Leo Smith aurait sonné plat, plutôt qu’inattendu et merveilleux.

Un mot sur les amis. Tim Green joue sur trois morceaux dans la même veine que Dennis Gonzalez, exposant patiemment sa tristesse bleue dans Nils Petter’s Foxtrot ou lançant des notes allongées plus free dans Beat’go. Shane Cooper et Scott Bucklin sont présents sur un morceau chacun. Le premier offre une guitare aux grincements métalliques, adoucis seulement par son placement dans le mix, tandis que le deuxième crée des suspensions et ajoute quelques touches cristallines.