Chronique

Dinah Washington

BDMusic

Label / Distribution : BDMusic

C’était une chanteuse sans faute et sans défaut. Ou presque. Qui, dans cette vallée de larmes n’a pas commis quelque erreur ? On prétend qu’avant d’avoir même posé pied à terre, dès le premier cri – et sans doute avant, dans le ventre de notre mère– nous avons déjà commis l’irréparable. Et il y a des choses qui marquent pour la vie…

Dinah Washington, de son vrai nom [1], Ruth Lee Jones, était pourtant impeccable. Sans fautes et sans péchés. Musicaux à tout le moins. Malgré tout.

Peut-on être « sans fautes » avec six ou neuf mariages (voire plus) à son actif ? [2] On laissera donc la réponse en suspens… Ne refaisons pas l’histoire de Dinah - la collection « BD Jazz » (BDMusic), dirigée par Bruno Théol, s’en est chargée. Les dessins sont de Frederik Salsedo et le scénario de Nicolas Pothier. Il faut à ces jeunes talents remarquables peu de texte, peu d’images, pour dire presque tout [3]. On trouve dans leur bande dessinée l’essentiel du bref passage sur terre de cette « reine », comme on l’appelait alors, de tous les jazz. Du gospel de ses débuts jusqu’à sa brutale disparition à l’âge de trente-neuf ans, on croise les figures de Lionel Hampton, chez qui elle fit ses vrais débuts et devint une étoile, mais aussi de Clifford Brown, Max Roach, Wynton Kelly, Dizzy Gillespie ou Quincy Jones, avec qui elle nous enchanta.

On en saura encore plus avec le texte que Claude Carrière a consacré ici à Dinah. Sur ses extraordinaires capacités de musicienne et de chanteuse, sur sa diction parfaite (si l’on ne parle pas anglais mais qu’on a quand même passé quelques années sur les bancs de l’école, on a l’impression de tout comprendre et d’être né de l’autre côté du « Channel » ou sur les berges de l’Hudson). Et sur sa capacité à tout chanter, en blues toujours. Ou presque. Le bop comme le R’n’B.

La sélection musicale s’arrête en 1959 et les deux CD qui accompagnent cette BD contiennent maints chefs-d’œuvre. Elle s’arrête à peu près au moment où Dinah, qui était aussi une femme ambitieuse, réussit à monter très haut dans les charts. Avec peut-être quelques concessions artistiques... Non, décidément, personne, n’est parfait. Dinah entre au top 50 et obtient un « Grammy Award » en cette même année 59. « What A Difference A Day Made » est un tube. Il figure sur cette compilation et on voit bien que même au milieu des violons, chœurs, sucres et miels mélangés à l’envie – Dinah reste une reine.

On nous dit qu’elle se trouve maintenant « au Panthéon des chanteuses de jazz aux côtés de Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Carmen McRae, Sarah Vaughan, Nina Simone, Betty Carter, Abbey Lincoln, Shirley Horn, Anita O’Day… » ; est-ce bien sûr ? Sa notoriété n’est pas vraiment comparable. Il y faudrait peut-être bien plus que cette BD-compilation - qui est pourtant un trésor - pour découvrir ou tout simplement aimer une des plus grandes chanteuses de jazz, la « parfaite » Dinah Washington. Autant, sans doute, qu’on peut l’être. Malgré tout.

par Michel Arcens // Publié le 13 août 2011

[1Qu’avait-elle à cacher ? Ou plutôt, qu’avait-elle à dire de plus que n’exprimaient sa voix, sa musique, pour prendre un tel pseudonyme (inventé, paraît-il, par nul autre que Lionel Hampton, avec qui elle chantait à l’époque ?

[2Le nombre ne dépend que des chroniques et des chroniqueurs plus ou moins bien intentionnés…

[3« Presque » car nul ne peut tout dire d’une telle musicienne.