Chronique

Dreisam

Source

Nora Kamm (as, ss), Camille Thouvenot (p), Zaza Desiderio (dms)

Label / Distribution : Absilone

Dreisam est le nom d’une rivière située en Allemagne, du côté de Freiburg. Le trio du même nom, lui, nous vient de Lyon, et est composé d’une saxophoniste allemande, Nora Kamm, d’un pianiste français, Camille Thouvenot, et d’un batteur brésilien, Zaza Desiderio. Ces origines sont spécifiées sur la pochette, non pour revendiquer une quelconque ouverture d’esprit, mais pour signifier que leur musique vient d’ici et là. Pour donner une idée des métissages qu’elle porte. Elle est, de fait, fondée sur un souhait de mélanger les influences de chacun. Il est donc assez rare, durant l’album, qu’un instrument s’éclipse, parti pris qui a deux conséquences. D’abord, et c’est le seul reproche que l’on fera à ce disque enthousiasmant, c’est que le silence y est rare, alors que les trois musiciens ont bien assez de musique à livrer pour accepter sa présence, et ainsi mettre en lumière leur discours intime. Ensuite, que cette Source toute entière est empreinte de générosité. C’est ce que l’on retient de ce premier album gorgé de mélodies, de rythmes, de couleurs et de lumières. Il est vivant, joyeux, positif. Différents grooves y cohabitent, du swing ternaire au funk binaire dansant, en passant par les métriques impaires de la musique des Balkans. Mais que cette énumération (non exhaustive) ne donne pas l’image d’un répertoire à l’éclectisme fourre-tout ; il s’agit au contraire de glorifier le rythme, de le transformer en chant, et les influences se mêlent ou se suivent avec une réelle cohérence, en partie due à la signature mélodique du groupe.

Chacun occupe la place logiquement attribuée à son instrument. La batterie rythme, le piano apporte de la matière par un jeu plein, assurant un lien efficace entre le socle rythmique et les exposés et développements lyriques du saxophone. Les thèmes sont souvent, pour les musiciens, prétexte à se calquer les uns sur les autres, le batteur ne rechignant pas à abandonner ponctuellement sa pulsation pour jouer la mélodie sur ses cymbales, avec une frappe légère et un éventail de sonorités maîtrisé. Le seul solo qu’il prend (« Schöne Frau »), est porté par un motif simple joué à l’unisson par le saxophone et le piano. Les développements sont en majorité régis par cet effet de balance, qui fait que les solos deviennent aussi le théâtre de phases de jeu stimulantes en arrière-plan. Sur « Déménagement », le trio pulse comme un véritable groupe de funk. Sur « Tout petit Bout », il offre un jeu ouaté, au lyrisme serein, qui s’accommode fort bien des espaces laissés libres. Il s’exprime à travers la danse ou la sensibilité avec une égale aisance. Et lorsque ces deux aspects s’épousent, comme sur le magnifique « Realidade », il délivre dans un seul souffle sa force et sa délicatesse, avec des montées en tension qui n’entachent pas le chant, mais lui donnent au contraire tout son sens.

Par un effet de pop-up, le disque, lorsqu’on ouvre le second volet du digipack, semble jaillir pour s’offrir à nous. Il en va de même de la musique qu’il contient.