
Elephant9 + Terje Rypdal
Catching Fire
Ståle Storløkken (cla), Nikola Hængsle (b), Torsten Lofthus (d) + Terje Rypdal (g)
Label / Distribution : Rune Grammofon
Véritable refuge pour le claviériste norvégien Ståle Storløkken, Elephant9 propose depuis de nombreuses années un retour sans nostalgie vers le jazz-rock dans ce qu’il a de plus planant et de plus aéré. Loin de chercher la surenchère et les gâteaux double-crème, le trio offre des lectures enlevées et parfois brutales d’une esthétique empruntée au Mahavishnu Orchestra et à King Crimson, auxquels on pense en premier lieu. Le batteur de l’orchestre, Torsten Lofthus, en est grandement comptable grâce à une énergie et une science des ruptures qui peuvent passer de la pulsation rock la plus brute à une polyrythmie très étudiée, bien suivi par la basse contondante de Nikola Hængsle. C’est la recette de « Dodovoodoo » [1], long morceau central qui permet à Storløkken de jouer des nappes à la fois planantes et enflammées se confrontant à la guitare de Terje Rypdal, prestigieux invité.
Car quelques mois après un Mythical River en trio, Elephant9 revient sur le devant de la scène avec un compatriote dont ils se sont inspirés pour ses nappes et sa sculpture patiente du son. Il y a chez Rypdal comme chez Storløkken une maîtrise commune de l’électricité qui nourrit Catching Fire. « Psychedelic Backfire » en est l’exemple abouti, avec deux flux chargés de distorsion qui s’entrecroisent autour d’une paire rythmique volontairement très lourde. Le climat est torride, parfois irrespirable, jusqu’à ce que la guitare de Rypdal s’incarne dans un riff rock détonant, empruntant au blues ses échanges avec un clavier volontairement saturé.
Ce qui fait d’Elephant9 un orchestre à part dans la galaxie des orchestres célébrant l’héritage du prog-rock et du jazz-rock, c’est cette capacité à ne chercher ni la virtuosité ni la perfection. Les climats peuvent être volontairement sales sans être encombrés ; seule l’énergie compte. Catching Fire entérine la grande amitié entre Rypdal et Storløkken, qui jouait sur les derniers albums du guitariste, pour une musique de genre très agréable et sans nostalgie poussiéreuse.