Chronique

Terje Rypdal

Conspiracy

Terje Rypdal (g), Ståle Storløkken (kb), Endre Hareide Hallre (elb) et Pål Thowsen (dms).

Label / Distribution : ECM

Voilà maintenant un demi-siècle que Terje Rypdal semble indissociable de l’esprit ECM, tant sur le fond que sur la forme. Il y a chez lui une esthétique de l’épure, une façon de sculpter les textures sonores, un respect aussi du silence qui l’associent de fait au label allemand. Le Norvégien a ancré en nos mémoires musicales de grands espaces, qui appartiennent autant à l’univers du jazz qu’à celui d’un rock atmosphérique et planant, confinant parfois au new age. Sa guitare électrique à la saturation mouvante suscite une forme particulière d’envoûtement, de ceux qui vous font fermer les yeux et rêver d’un ciel étoilé, à peine troublé de quelques nuages à la tombée d’une nuit d’été. C’est une musique qui projette un grand nombre d’images en effet.

Parmi la vingtaine d’albums enregistrés sous la houlette de Manfred Eicher – ici une fois encore impliqué dans la direction artistique – on pourra se rappeler les grandes heures d’Odyssey en 1975 ou de Waves, trois ans plus tard. Aujourd’hui âgé de 73 ans, voici notre voyageur de l’infini qui revient avec Conspiracy, dans la droite ligne de ses illustres prédécesseurs. À ses côtés, Ståle Storløkken aux claviers, déjà présent sur les deux derniers albums de Rypdal, Pål Thowsen (un autre musicien proche d’ECM) à la batterie et Endre Hareide Hallre à la basse. Un détail important : ce disque, qui porte le nom du groupe ainsi formé, est le premier enregistrement studio du guitariste depuis près de 20 ans, le dernier étant Lux Aeterna paru à la fin de l’année 2002. C’est un événement qu’on soulignera d’autant plus que Conspiracy est dans la droite ligne de son travail des grandes heures. Un calme nocturne règne sur la plupart des compositions, dont le rythme peut s’élever comme sur la composition titre et embarquer le quartet vers des rivages qui évoquent parfois une formation telle que le Mahavishnu Orchestra.

Disque assez bref (35 minutes) Conspiracy inspire malgré ses indéniables qualités un sentiment mêlé : si on est heureux, bien sûr, de retrouver cette musique telle qu’on a pu l’apprécier depuis le début, forte d’un pouvoir de dépaysement spatialisé, il laisse dans son sillage un petit air de déjà entendu. En d’autres termes, s’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, ce dernier brille encore de beaux feux…