Chronique

Emmanuelle Debur et Philippe Méziat

Histoire / histoires du Jazz dans le Sud-Ouest

De la Nouvelle-Orléans à la Nouvelle-Aquitaine (1859 – 2019)

En préambule, je dois avertir le.a lecteur.trice. Ce livre est particulier pour moi à plusieurs titres. D’une part, l’un des auteurs, Philippe Méziat est membre de Citizen Jazz depuis ses tous débuts, puisqu’il y écrivait déjà en 2001. D’autre part, il m’avait fait lire les premières épreuves de ses Histoires avant impression. Autant dire qu’en faisant la chronique de l’ouvrage je ne pèche pas par excès d’objectivité. Et alors ? Justement, cet ouvrage non plus. Et c’est là toute sa saveur.

Il s’agit donc d’un beau et assez grand livre, très illustré (en plus des fonds iconographiques d’un nombre important de collections privées, il y a les photos de Méziat, les documents d’archives, les articles de presse, les affiches, etc… un ensemble de documents très rares et inédits d’un grand intérêt) qui relate l’histoire du jazz dans la région autour de Bordeaux.

Emmanuelle Debur, l’historienne, raconte avec fluidité mais précision la lente poussée rhizomique du jazz, débarqué en 1917 comme à Nantes, puis disséminé, ingéré, greffé et qui verra naître un système entier : Hot-Club, radios et journaux, clubs, festivals, orchestres, etc… Voilà pour l’Histoire, passionnante et qui suit également l’Histoire de France, ses guerres, son industrialisation, le tourisme de masse sur la côte atlantique et après les phases de décentralisation, l’ère Jack Lang et le jazz nationalisé, la subite crise de croissance de la région devenue Nouvelle-Aquitaine et donc de fait, l’une des plus actives en matière de jazz, hégémonie régionale oblige. Tout cela est raconté avec rythme. Le Hot-Club de Bordeaux fidèle à Charles Delaunay contre Hugues Panassié qui règne depuis Montauban. On n’oublie pas que les personnalités régionales sont nombreuses, de Frank Ténot à Jean-Marie Masse (Limoges), en passant par Sim Copans (Souillac) ou Pierre Merlin. Quand aux musicien.ne.s, on peut évoquer Michel Portal, Bernard Lubat, André Minvielle, Paul Lay, Émile Parisien, Leïla Martial et quantité d’autres… au fil des pages blanches signées Emmanuelle Debur.

Car dans ce livre, les pages saumon sont celles écrites par Philippe Méziat. Des histoires, des souvenirs et des anecdotes par dizaines qui, en toute logique, ne sont rien de plus que l’ADN de cette Histoire du jazz dans la région. Pas de grande Histoire sans ces personnalités quotidiennes mais efficaces que rencontre et raconte Méziat. Lui même étant à la fois acteur et auteur de l’histoire du jazz. On le connaît comme journaliste spécialisé jazz, à Sud-Ouest pour couvrir toute la région, mais aussi à Jazz Magazine et Citizen Jazz pour parcourir la planète, mais il a aussi présidé à la destinée du Bordeaux Jazz Festival de 2001 à 2008. Il a pisté le graphiste Pierre Merlin, créé des Jazz Box avec Cécile Léna, croisé un braqueur de banque amoureux du jazz et surtout il a écouté, aimé et porté des dizaines de musicien.ne.s de la région et d’ailleurs, avec le même appétit pour la nouveauté et l’inconfort de l’habitude. Ses petites histoires truculentes et personnelles [1] s’intercalent par chapitres dans cet ouvrage pour ne faire qu’un avec le fil de la narration. Pas vu, pas pris.
Et comme souvent, à Citizen Jazz, on suggère des cadeaux pour les fêtes, celui-ci est tout trouvé, à destination des amateur.trice.s de jazz de Nouvelle-Aquitaine ou d’ailleurs.

par Matthieu Jouan // Publié le 8 décembre 2019
P.-S. :

Editions confluences, 2019

[1Philippe ne sait pas écrire autrement qu’avec ses tripes. Il vit, il raconte, il raconte ce qu’il vit.