Étienne Manchon, pianiste de tous les genres
Rencontre avec ce musicien prolixe à l’occasion du premier album du duo Congé Spatial qu’il mène avec Pierre Lapprand.
Etienne Manchon © Christophe Charpenel
Pianiste qu’on croise de plus en plus fréquemment sur la scène française et au-delà, dans des formations allant d’esthétiques classiques à des formes plus innovantes, Étienne Manchon est un musicien qui monte.
- Etienne Manchon © Christophe Charpenel
- Vous n’avez que 28 ans et pourtant déjà un parcours riche. Je pense à vos collaborations avec Initiative H où vous remplacez régulièrement Amaury Faye, The Headbangers, le travail que vous menez pour l’Autre Big Band, le projet en duo avec Pierre Lapprand et bien entendu votre trio. On a l’impression que vous êtes un musicien extrêmement prolixe. Quel est votre rapport à la musique et à sa production ?
Cela fait six ans que je vis de la musique et c’est vrai que j’ai fait beaucoup en peu de temps. J’adore produire et créer de la musique, tout le temps. De plus, je prépare souvent en avance, je me projette beaucoup. Par conséquent, ça donne des sorties d’albums et de vidéos fréquentes, dans plein de directions. J’aime faire plein de choses différentes et ça me nourrit beaucoup.
- Vous revendiquez des influences très diverses, en allant chercher du côté du jazz mais aussi du rock psychédélique. J’imagine volontiers que votre parcours a été émaillé de mille et une rencontres musicales.
Tout à fait. C’est effectivement ainsi que ma culture musicale s’est construite. Alors comme tous les pianistes de jazz, je suis fan de Bill Evans et Brad Mehldau. Mais j’ai envie de dire que ma grosse claque musicale a eu lieu avec avec la découverte de Pink Floyd quand j’étais adolescent. J’ai une formation classique et à cette épqoue, j’étais en même temps au conservatoire de Clermont-Ferrand et ça a profondément transformé mon parcours. Alors si j’aime toute la discographie de Pink Floyd, depuis Syd Barret jusqu’au dernier album, le cœur de ce que j’écoute, c’est Wish You Were Here et Animals. Ce sont des merveilles d’écriture. C’est bien entendu concomitant avec la découverte des claviers électriques, car jusqu’alors je jouais exclusivement du piano acoustique. Mais, si Pink Floyd est central dans ma culture pop rock, j’ai également beaucoup écouté Supertramp, Led Zeppelin, Radiohead, Rage Against The Machine pour ne citer que ceux-là.
- Etienne Manchon © Jean-Michel Thiriet
- Le Conservatoire à Clermont-Ferrand soit, mais comment arrive le jazz ?
Au Conservatoire de Clermont-Ferrand, il n’y avait pas de classe jazz. J’étais dans la musique classique, de Bach à Ravel… C’était très bien et cela a contribué de manière importante à ma formation de musicien. Mais c’était aussi assez solitaire car le piano peut être un instrument solitaire dans le classique. Étonnamment, j’ai découvert le jazz à travers Claude Nougaro. Je n’avais pas de connexion avec Toulouse à cette époque. Mais on m’a offert un album de Nougaro, je ne sais plus lequel, et je suis allé fouiller la musique qu’il jouait. Or, comme il a repris beaucoup de standards de jazz ou de musiques brésiliennes, mon entrée dans la culture jazz s’est faite ainsi. C’était au milieu des années 2000 et Youtube et la médiathèque de Clermont-Ferrand ont fait le reste.
Après le conservatoire de Clermont-Ferrand, j’ai poursuivi mes études à la fac de musicologie du Mirail et au Conservatoire de Montauban où je suis allé dans la classe de David Haudrechy. Puis j’ai suivi un copain qui allait à Toulouse. J’y suis arrivé avec ma culture classique, rock psychédélique et un peu de jazz.
- Justement, vous êtes associé à la scène toulousaine. Mais on voit que, au gré de vos projets, vous faites des allers-retours entre Toulouse et Paris.
C’est un peu ça effectivement. Je fais plus de choses à Toulouse, mais je vais régulièrement à Paris. Je suis dépendant de la scène parisienne ne serait-ce que parce que j’ai deux projets avec des musiciens sur Paris. Pierre Lapprand pour le duo Congé Spatial d’un côté et Clément Daldosso et Théo Moutou pour le trio d’un autre côté.
- Ce trio semble être la formation centrale de votre pratique musicale.
On peut le dire comme ça. C’est la formation solide et un fil conducteur avec des très bons copains. C’est important car ça me permet d’essayer d’autres configurations, notamment ce duo que j’évoquais. Ce trio avec Clément et Théo, c’est très rassurant pour moi.
- Si on vous demande de choisir entre un piano acoustique et un clavier électrique ?
Ça ne serait pas facile. Ça dépend des jours. Quand je fais beaucoup de piano acoustique, à un moment j’ai envie de faire de l’électrique et inversement. L’acoustique a peut-être plus de polyvalence… encore que. En fait, fondamentalement, je joue des deux et j’y suis attaché. Le timbre de l’acoustique me manquerait si je ne jouais que de l’électrique et inversement.
- Etienne Manchon © Christophe Charpenel
- On trouve quantité d’excellents et prolifiques musiciens à Toulouse. Je pense tout particulièrement aux pianistes Thibaud Dufoy et Rémi Leclerc. J’imagine que c’est assez exaltant de pouvoir partager ses impressions de clavier dans ces conditions.
C’est vrai que c’est porteur. D’ailleurs, c’est aussi l’esthétique de la scène toulousaine qui m’a poussé à fouiller l’électrique. Bastien Andrieu, Maya Cros, Thibaut, Rémi, ce sont de super pianistes et cette richesse, c’est quelque chose que j’aime à Toulouse. Il y a aussi assez peu de barrières et, même si c’est une scène importante avec un réseau très étoffé, il y a moins de musiciens que dans d’immenses villes. De fait, on est amené à être moins spécialisé et donc à s’aventurer dans différents styles musicaux.
- D’autre part, au gré de votre discographie, on voit que vous écrivez beaucoup. Il n’y a que très peu de reprises dans vos albums. C’est un parti pris ?
C’est vrai. J’écris beaucoup de musiques et j’ai une réelle appétence à jouer mes compositions. C’est une marque d’originalité notamment pour le trio piano, basse, batterie et, surtout, j’adore écrire. Dans le premier album du trio, il n’y a que deux reprises. Ceci dit, j’adore jouer des standards mais je préfère m’investir dans mes compositions. Et puis, est-ce que j’ai des choses plus intéressantes à raconter sur ces standards que d’autres musiciens qui les reprennent ? Pas sûr.