Chronique

Foehn Trio

Magnésie

Christophe Waldner (p., clavier), Cyril Billot (b.), Kévin Borqué (dms)

Label / Distribution : Mad Chaman

Initialement, le Foehn est un vent sec et chaud qui souffle sur le flanc nord des Alpes en Suisse et en Autriche. Mais le terme s’est généralisé et l’on parle d’effet de foehn chaque fois qu’un vent dominant rencontre une chaîne montagneuse. Celui-ci s’élève au gré des reliefs qu’il croise, provoquant un phénomène de refroidissement et donc de vaporisation. Le versant de la montagne franchi, le courant d’air redescend, se réchauffe, et se dessine alors dans le ciel une éclaircie rectiligne au travers des nuages, laissant passer la lumière. C’est ce qu’on appelle le trou de foehn, et c’est très beau.

Mais nous ne sommes pas vraiment ici pour parler d’esthétique météorologique, si poétique soit-elle. Il s’agit d’une autre poésie, celle du groupe Foehn, même si elle n’est pas tout à fait sans lien avec la première, et si le nom de ce nouveau trio n’est clairement pas le fruit du hasard. Enregistré à Chamonix, dans la Maison des Artistes d’André Manoukian, la musique du groupe se révèle imprégnée de l’environnement qui l’a vu naître, et qui l’a sûrement beaucoup inspirée. Elle lui ressemble, et on peut tout autant deviner le paysage derrière la musique que la musique derrière le paysage. Puissante et douce à la fois, elle demeure insaisissable et c’est l’auditeur qui est saisi.

La beauté des compositions est indéniable. Une place de choix est accordée à la mélodie, belle et délicate comme peut l’être celle du Brad Meldhau trio, mais plus épurée, allant plus plus loin dans l’émotion. Ajoutons à cela une réelle maîtrise de l’art de la nuance dans le déroulé d’un morceau, ce qui n’est pas si courant. Véritable baume au cœur, la musique du Foehn Trio révèle une identité déjà très affirmée qui assume sa part de rêve sur « A Day in Chamonix », de douceur sur « Neuf Couleurs », et sait se montrer plus rocailleux avec « Pili-Pili ». Il n’est pas un titre sur ce disque qui ne soit un monde en soi.

On ne compte plus les formations en trio piano/basse/batterie, et pourtant il est encore possible d’être conquis par des découvertes comme celle-ci, qui ont ce « petit quelque chose » dont on ne sait presque rien mais qui fait toute la différence. Un peu comme une bise légère qui vient caresser les sens, un air frais, neuf, gorgé de vitalité. A la différence que cet air-là n’est pas du vent.