Scènes

Francis Lockwood au Caire

Compte-rendu de concert


Francis Lockwood (p)

avec Amer Barakat (b), Yehia Khalil (d) le 13 décembre 2003 au Théâtre Al Gomhoria

avec Ihab Badr (b) et Salah Ragab (d) le 15 décembre 2003
au Centre français de Culture et de Coopération.

C’est injuste, mais Francis Lockwood est d’abord connu de tous et de toutes comme étant le frère de Didier ! Injustice d’autant plus flagrante que s’il a donné de nombreux concerts et participé à plusieurs disques en compagnie de son frère, il n’en reste pas moins un pianiste qui a su développer une carrière personnelle très fournie.

Parti du rock avec Jean-Pierre Alarcen, Francis Lockwood a participé aux expériences de jazz-fusion de son frère pendant quelque temps, puis accompagné Michel Jonasz. Il est revenu au jazz en trio avec Gilles Naturel et Peter Gritz, avec lesquels il a enregistré Jimi’s Colors, un album en hommage à Jimi Hendrix. Depuis deux ans, Francis Lockwood s’illustre entre autres dans un jazz aux accents latins, avec la chanteuse Manu Le Prince… Aujourd’hui, il est au Caire pour une aventure orientale !

Dans le cadre des Scènes du Jazz, festival organisé par le Centre français de Culture et de Coopération, c’est donc un pianiste versatile qui a été invité à venir croiser les gammes avec deux sections rythmiques égyptiennes, celles de Yehia Khalil et de Salah Ragab. Tous deux sont des batteurs connus et reconnus, mais tandis que le premier s’est dirigé vers un jazz orientalisant qui frise parfois la variété, le deuxième est le gardien du temple bop avec quelques incursions dans l’avant-garde, notamment en compagnie de Sun Ra.


Les deux soirées devaient s’apparenter davantage à des bœufs qu’à de véritables concerts car les musiciens n’avaient jamais joué ensemble. Dès lors, il était logique que le répertoire soit essentiellement composé de standards.

Dans le premier concert, au Théâtre Al Gomhoria, Francis Lockwood se montre volontiers lyrique dans ses longues introductions d’« In a Sentimental Mood », « Someday My Prince Will Come » ou « Autumn Leaves ». Il use et abuse de longues lignes arpégées à la main droite, soutenu par un Yehia Khalil métronomique à la batterie, et un Amer Barakat dont le sens mélodique est desservi par le son aigrelet de sa basse électrique. Dans l’ensemble, le concert est de bonne tenue, mais manque singulièrement de créativité, en dehors de « Mister PC » dans lequel Francis Lockwood adopte un jeu plus rythmique qui permet au morceau de « décoller ».

La deuxième soirée se déroule dans la cour du Centre français de Culture et de Coopération, joliment décorée pour l’occasion avec les tentures orientales bigarrées qu’on utilise en Egypte dans la plupart des fêtes. Ce deuxième concert, également articulé autour de standards, va s’avérer bien plus dynamique que le premier. Francis Lockwood raccourcit ses introductions - sauf dans « The Beautiful Love » - et fait davantage appel aux block chords, par exemple dans « Night and Day ». La section rythmique joue dans une veine be bop, avec un batteur, Salah Ragab, très à l’écoute de ses compagnons, et un bassiste, Ihab Badr, tout en subtilité dans « So What » ou « Blue Bossa ». Au milieu du concert, Francis Lockwood laisse sa place à Rashad Fahim, pianiste passé par la Berklee School of Music. Le Cairo Jazztet ainsi formé juste le temps d’un morceau confirme qu’il est urgent d’aller l’écouter ! « Nuage » donne l’occasion à Francis Lockwood de dédier un solo à Babik Reinhardt. Avec de superbes interprétations de « Caravan » et de « Night in Tunisia », le trio achève de conquérir le public et Francis Lockwood fait oublier pour de bon qu’il est le frère de Didier…

par Bob Hatteau // Publié le 31 mai 2004
P.-S. :

A écouter


Jimi’s Colors - Francis Lockwood (p), Gilles Naturel (b), Peter Gritz (d).