Chronique

Frank Sinatra, l’âge d’or de l’Amérique

Michel Viotte

Un DVD de 52 minutes (en français)

En cette fin d’année 2015, on fête le centenaire de Frank Sinatra, né le 12 décembre 1915 à Hoboken (NJ) et mort le 14 mai 1998 à Los Angeles. J’ai déjà signalé ici l’album « de famille », hagiographique et néanmoins plein de documents intéressants, et je parlerai un peu plus tard du livre de Shawn Levy « Sinatra Confidential » (Showbiz, Casinos et Mafia) que je suis en train de lire.

Car voici qu’on nous propose pour le tout début de 2016 un DVD, réalisé dans notre langue par les soins de producteurs français (voir ici la bande annonce en anglais !), qui brosse de « The Voice » un portait sensible, drôle et semble-t-il assez juste, équilibré entre le miel de l’album de famille et le fiel des mauvaises langues. Qui n’ont pas manqué, ne serait-ce qu’au tout début des années 50 quand Frankie fut accusé de sympathies communistes, puis dans les années 60 quand sa fréquentation et son admiration pour John Kennedy, ou encore sa façon de soutenir le mariage interracial de son ami Sammy Davis Jr., lui attirèrent les foudres de l’Amérique bien pensante.

Doué d’une voix caressante, qui faisait trépigner les toutes jeunes filles vers la fin des années 40, au moment de ses premiers succès, et qui anticipait sur ce qui allait se reproduire ensuite avec Elvis - le film donne un extrait magnifique de leur duo télévisé au moment du retour d’Elvis du service militaire [1] - Frank Sinatra aura su rebondir, après sa chute libre au début des années 50, grâce au cinéma, et à un Oscar du meilleur second rôle dans Tant Qu’il Y Aura des Hommes. Devenu acteur autant que chanteur, il a toujours mené de front ces deux entreprises, tout en y ajoutant celle de « showman » à la télévision, et en présidant de tout son pouvoir aux destinées de « sa » ville, Las Vegas.

Marié très tôt et père de trois enfants qu’il adorait, il finira par se séparer de sa femme Nancy sans jamais perdre vraiment le contact avec elle. Pour le reste, il fut marié à Ava Gardner (un couple explosif), mais aussi sur le tard à Mia Farrow dont il ne supporta pas qu’elle préfère jouer aux côtés de John Cassavetes dans le film de Roman Polanski, Rosemary’s Baby. Cinquante deux minutes ne sont pas trop pour évoquer cette vie trépidante, à la fois luxueuse et pleine de rebondissements, mais on en prendrait un peu plus très volontiers. Car il est vrai que cet « âge d’or » de l’Amérique est fondamentalement paradoxal, plus rêvé que vécu quant on le rapporte à ce qui se passait dans la réalité, la seconde guerre mondiale, la guerre de Corée, puis celle du Vietnam, sans oublier les combats pour les droits civiques et la façon dont l’Amérique blanche a tenté de les réduire.

par Philippe Méziat // Publié le 10 janvier 2016
P.-S. :

Un DVD de Michel Viotte, production « Ma Drogue À Moi ». En vente ici

[1Qu’on peut voir ici