Chronique

Fred Hersch

Silent, Listening

Fred Hersch (p).

Label / Distribution : ECM

Il est rare qu’un pianiste arrive à générer autant de nuances microcosmiques, les onze titres de Silent, Listening affirment tous des contrastes, mais avec un développement architectural remarquable, marqué du sceau de la délicatesse.

Très jeune, Fred Hersch a été fortement impressionné par Autumn Leaves, standard adopté par d’innombrables musicien·ne·s dans une pléiade de genres musicaux. La structure harmonique de cet air lui a permis de se familiariser avec les harmonies du jazz lors de ses premières incursions dans cette musique, il est certain que la forme originale au format AABC installe d’emblée une expérience plaisante chez un mélomane. Depuis cette lointaine expérience, des décennies ont passé et le style sans cesse évolutif du pianiste s’est affirmé par sa grande singularité. Son album en solo Open Book paru il y a sept ans et récompensé par l’Académie Charles Cros avait déjà inscrit une étape décisive. Silent, Listening franchit un nouveau cap, l’atmosphère qui y est distillée installe cet album aux confins d’autres solos fondamentaux parus chez ECM comme Open To Love de Paul Bley et Solo Concert Bremen / Lausanne de Keith Jarrett.

« Star-Crossed Lovers » co-écrit par Billy Strayhorn et Duke Ellington se pare de notes brumeuses, la musique coule paisiblement et annonce une intimité qui va se poursuivre au sein du déroulement successif des compositions. Les notes graves et puissantes qui sont véhiculées dans « Night Tidelight » font apparaître un climat sombre marqué par l’absence de fioritures. L’approche rythmique est délicatement suggérée dans « Akrasia », des vagues s’y succèdent tandis que le morceau titre « Silent, Listening » exprime une sensation de solitude traversée par des accords dynamiques.

La musique respire amplement et expose successivement des univers feutrés. Une pièce tranche avec le reste de l’album, « Little Song » qui est illuminée par des nuances plus colorées. Exploré par bon nombre de pianistes à l’affût de nouvelles perspectives, « Softly, As In A Morning Sunrise » dévoile une exploration méticuleuse qui valorise le registre médium, la sensibilité qui s’en dégage mêle subtilement la virtuosité et la désinvolture.

Fred Hersch est passé maître dans l’art de la suggestion, dans « Winter Of My Discontent » où règne un sentiment de recueillement, il affiche une grande détermination doublée d’une sensibilité à fleur de peau. Silent, Listening s’impose au final comme hypnotique et précieux.