
Hans Lüdemann & Reiner Winterschladen
Porgy’s Dream
Hans Lüdemann (p), Reiner Winterschladen (tp)
Label / Distribution : Double Moon
Indéniablement, le pianiste Hans Lüdemann n’est pas spécialisé que dans l’art du trio ; il possède aussi celui du contre-pied. Instigateur du fabuleux Trans Euro Express (TEE), depuis de nombreux mois sur une logique d’élargissement des formats et de quête d’une grande modernité, sans doute avait-il besoin d’un retour aux sources, d’une plongée dans le dénuement de l’intime. C’est ce qui caractérise ce duo avec le trompettiste Reiner Winterschladen. On connaît ce dernier pour avoir participé il y a peu à l’aventureux Yamabiko Quintet de Klaus Kugel, mais il est de ceux qui ne se laissent pas enfermer, de l’électronique jusqu’au NDR BigBand. Comme symbole d’un jeu voué à l’essentiel, Lüdemann s’est débarrassé de ses dispositifs électroniques ; pas de quarts de tons dans la lecture de « I Love You Porgy Forever » de Gershwin. Juste un piano concertant et caressant qui laisse la trompette dans la lumière, se charger du lyrisme… Et puis à la toute fin, s’emparer du thème pour une déambulation en liberté
Car on ne s’en étonnera guère, Porgy’s Dream est une lecture de l’opéra de Gershwin, fragmentaire et amoureuse. Le morceau-titre est une composition du pianiste dans l’esprit de la pièce, comme s’il évoquait un souvenir. On sait depuis le trio Ivoire qu’il peut y avoir chez Lüdemann un goût pour l’image, elle se déroule sous nos yeux : trompette et piano se cherchent sur la carte du tendre, s’attendent et batifolent sans effets superflus. Le piano joue une phrase musicale courte, tourne autour, effleure le jeu de Winterschladen qui trace une ligne claire. Tout est joué avec la plus grande des simplicités, tout comme « Praying », composition collective à l’approche pleine de contraste, la main gauche de Lüdemann venant ombrer un jeu plus cérémonieux. L’affrontement avec Crown ?
Porgy and Bess est un monument ; Lüdemann et Winterschladen l’abordent comme tel. Il y a dans ce disque paru chez Double Moon Records ce qu’il faut de recueillement et de gravité. Mais le duo sait y laisser une impression de légèreté qui valide l’argument d’une lecture émaciée et nourrie d’un amour profond pour la musique de Gershwin. Une parenthèse bienvenue.