Chronique

IST

At The Club Room (for Simon H. Fell)

Rhodri Davies (harp), Simon H. Fell (b), Mark Wastell (cello)

Label / Distribution : Confront Recordings

C’est un trio à cordes assez inhabituel : une contrebasse, un violoncelle et une harpe. Cette formation s’était réunie à deux reprises en 1995. Le violoncelliste, Mark Wastell, avait enregistré, puis soumis la cassette à un éditeur potentiel qui n’a pu donner suite, puis l’oubli est passé. Vingt-cinq ans plus tard, ce même éditeur et le violoncelliste encaissent mal le traumatisme du décès de Simon H. Fell et décident de publier cette musique le jour même de l’enterrement du bassiste, à Saint Dizier-Leyrenne, dans la Creuse. La recette des ventes irait aux œuvres choisies par son épouse.
La pochette dit d’emblée ce qu’il faut en retenir, une franche camaraderie.

Au-delà de l’émotion, qu’en est-il de la musique ? C’est de l’improvisation libre de toute entrave où les instruments sont souvent sollicités par des chocs répétés, des grincements, des craquements, tout un ensemble qui rapproche davantage des jeux de percussion que des pincements de cordes ou des frottements harmonieux d’archets. Ces derniers ne sont pas cependant absents. C’est donc un élargissement net du spectre sonore. Il arrive qu’on retrouve le ruissellement habituel des notes de la harpe de Rhodri Davies, mais le plus souvent, il s’agit d’autres couleurs, comme des quasi-sons de piano dans l’aigu, des pépiements, ou au contraire de grands tremblements graves. La contrebasse produit toutes sortes d’images sonores, comme des bruissements de branches sous la brise, des cassures, des murmures, des petits martèlements répétés, des grincements ou des résonances de cymbale, des roucoulements, mais parfois un simple coup d’archet apporte une douceur mélodique qu’on croyait oubliée. Des grésillements sur le violoncelle, des craquèlements, des séquences étonnamment proches de la voix, des échos de lamentation, cet instrument n’est pas en reste quant à l’invention d’un vocabulaire musical nouveau.
Cette richesse de timbres et d’images est au service de la recherche permanente de complémentarités affectives ou spectrales, voire de simples manifestations du plaisir d’être ensemble, amplifiant le cheminement du discours ou bifurquant vers des terres différentes. Ces jeux offrent une forme de continuum tachiste et procurent une sérénité, une plénitude de l’âme, comme au sortir d’une méditation profonde.
C’est une musique particulièrement inventive, naturelle et addictive. Fouiller les archives de ce trio de musique de chambre improvisée, IST (Improvising Strings Trio), se révélera source de multiples plaisirs inattendus.

L’album est disponible sur Bandcamp.
Sur cette page, on trouvera deux textes de témoignage, celui du violoncelliste, Mark Wastell, et celui de Richard Sanderson, l’un des organisateurs de ces concerts (avec John Russell et Mike Walter).

Pour conclure, je vous propose l’écoute de la deuxième pièce.