Chronique

IST

Virtual Company

Mark Wastell (cello), Simon H. Fell (b), Derek Bailey (g), Will Gaines (tapdance)

Label / Distribution : Confront Recordings

IST est un trio d’improvisateurs à cordes réunissant d’habitude Rhodri Davies (harp), Mark Wastell (cello, perc) et Simon H Fell (b, comp). Les conditions climatiques n’ont pas permis au harpiste d’être présent au concert donné au Café OTO en mars 2018. En revanche, deux autres invités étaient là, virtuellement : Derek Bailey (g) et Will Gaines (tapdance, voc).
On pourrait croire à une forme d’usurpation ; il n’en est rien. Quelques années auparavant, en août 2000, ce quartette se réunissait physiquement pour l’enregistrement d’un double CD.

Pour pallier l’absence de ces deux derniers, des séquences d’enregistrements de leurs solos antérieurs ont été rassemblées. C’est un algorithme qui, lors du concert, lance lesdites séquences à des moments et pour des durées aléatoires. Aux deux improvisateurs présents de s’en débrouiller.
Ce n’est pas une première. En 2018, par exemple, Gurkan Baltacilar (g) publiait un album en surimpression d’un duo impressionnant, vieux de quarante ans et réunissant Kaoru Abe et Sabu Toyozumi, mais sans cette mise en danger aléatoire.

Dans ces jeux à quatre, s’instaurent des dialogues simultanés surprenants, comme la basse et les claquettes avec un mimétisme des percussions, alors que le duo violoncelle-guitare se retrouve sur des notes craquelées, inharmoniques. Avec le recul, on comprend que le parti-pris, radical, d’utiliser des fragments de solos projetés aléatoirement, ait conduit les deux musiciens sur scène à créer des duos simultanés avec chacun des deux absents. Naturellement, les proximités fluctuent. Lorsque le quartette converge, il est parfois agrémenté d’histoires de Will Gaines. Il faisait ça souvent, me dit-on. Cette intégration de claquettes dans l’improvisation, peu fréquente, y est particulièrement réussie. Ainsi, toutes les combinaisons sont à l’œuvre, y compris le seul duo « physique », accaparant notre attention sur des séquences en perpétuel mouvement.

Vingt ans séparent les derniers enregistrements de ce groupe, et on peine à le percevoir, d’autant qu’il ne s’agit pas de revival, de « tribute to », leur musique pouvant être qualifiée d’avant-gardiste selon les critères d’aujourd’hui.

On imagine sans peine la joie des spectateurs du café OTO ce soir de mars 2018. L’intensité de la musique, sa verve créatrice, les changements continus ont de quoi ravir les oreilles les plus exigeantes. Un bonheur partagé aujourd’hui. Mais pour eux, s’y ajoutaient les chocs de ces enregistrements d’alors projetés sur une scène avec un seul duo présent. Ces chocs, nous ne pouvons pas les percevoir avec cet album. On ne peut remonter le temps, nous téléporter dans ce haut lieu de l’improvisation londonienne, alors profitons de ce témoignage récent de la créativité de IST.

Cet album, l’un des derniers en date de Simon H Fell, est un must.
Peut-être demain, Rhodri Davies et Mark Wastell, reformeront-ils leur trio IST, avec notre contrebassiste virtuellement présent.
Cet enregistrement est publié par Confront Recordings, le label de Mark Wastell. Vous pouvez le commander sur son site.
Il est aussi disponible sur Bandcamp