Scènes

Joe McPhee et ses 80 bougies, un instant chavirées

Compte rendu du concert de Joe McPhee trio aux Instants Chavirés à Montreuil.


© Guy Sitruk

C’était l’avant-dernier concert de la saison aux Instants Chavirés, et pour finir en beauté, était invité Joe McPhee, qui a fêté ses 80 ans cette année (eh oui ! déjà), en compagnie de John Edwards (b) et Klaus Kugel (dr). C’est dire qu’il y avait d’emblée une certaine émotion.

La salle est pleine, évidemment. Certes, on est bien au-delà des musiques de 1970 où Joe McPhee explorait les sons, des pistes nouvelles, accompagné par le label HatHut créé pour lui.
Ce soir-là, il verse dans l’errance épurée, la sensibilité distillée, les phrases courtes et ciblées. Ses matières sonores travaillées, ses éraillements et ses souffles s’inscrivent parfaitement dans un discours finalement mélodique. Une forme de synthèse de son parcours.
Ses deux compagnons, en revanche, se lâchent.
John Edwards se permet toutes les audaces, servi il est vrai par une maîtrise impressionnante. Il est concentré sur les phrases de Joe McPhee, reprenant souvent ses segments musicaux pour de nouveaux développements. Et dans le même temps, il semble totalement libérer sa contrebasse des usages déjà connus. Il a illuminé cette soirée pourtant déjà dense.
Quant à Klaus Kugel, il était entouré d’un attirail de percussions diverses qu’il utilisait comme on ajoute des touches sur une toile, pour rehausser un détail, associer une couleur. On retrouve cette approche dans son jeu sur les cymbales, mais il imprime véritablement son discours avec ses frappes sèches et puissantes sur les peaux, accompagnant l’intensité croissante du saxophone ou lors de solos.
C’est d’ailleurs après un tel solo que s’inscrit la petite séquence suivante, qui devait clôturer la soirée. Une courte phrase au sax reprise par la contrebasse, des roulements doux aux mailloches, une forme de stase dans laquelle la musique de Joe McPhee trouve son écrin.

Naturellement, le public ne voulait pas quitter ces moments émouvants. Retour donc des musiciens et en ouverture, une séquence impressionnante de John Edwards de plus de quatre minutes. Joe McPhee fait écho à la dernière séquence de la basse et la fête reprend de plus belle.

Une soirée d’émotions intenses et un public tout acquis.
Belle façon pour les Instants Chavirés de (presque) finir cette saison.