Scènes

Jean Louis vs Dgiz au Pannonica

Deux soirées pour lancer cette nouvelle saison du Pannonica : une présentation de la programmation du trimestre et un premier concert avec la rencontre du trio Jean Louis et de Dgiz.


Deux soirées pour lancer cette nouvelle saison du Pannonica : une présentation de la programmation du trimestre et un premier concert avec la rencontre du trio Jean Louis et de Dgiz.

Pour la deuxième année consécutive, la salle nantaise propose à tous, journalistes et mélomanes, de venir découvrir la programmation du trimestre, avec à la clef : présentation des concerts, diffusion d’extraits musicaux et pot entre amis. Une belle initiative qui permet aux curieux de peaufiner leur programme de sorties pour les trois mois à venir... Mais aussi l’occasion, pour l’équipe du Pannonica, de rappeler une certaine vision de l’engagement au service de la musique, avec comme lignes directrices la volonté de présenter le versant contemporain du jazz et des musiques improvisées, l’implication dans le tissu local (concerts de jeunes groupes régionaux, partenariat avec des écoles ou le Centre de détention carcéral de Nantes), et une politique tarifaire adaptée (titulaires du RSA, chômeurs ou aux étudiants bénéficient de prix tournant autout de 5€ selon le cas). Pour clore cette soirée, une demi-heure de musique avec le trio Jean Louis vs. Dgiz : un avant-goût du concert programmé le lendemain et qui fait suite à une résidence conjointe d’une semaine.

Lancement officiel de la saison avec le concert de Jean Louis (Aymeric Avice, trompette, Joachim Florent, contrebasse et Francesco Pastacaldi), batterie et de Dgiz . La rencontre entre ce trio jazz-hardcore et le contrebassiste-slammeur promettait : leurs univers respectifs sont très personnels et leur énergie, débordante. En deux sets, ces quatre-là vont traverser le jazz, le hip-hop, le disco, le slam, le rock. La parole revendique, la musique fait exploser les frontières stylistiques. Ce « trio + un » dynamite tout ce qu’il touche sans que ce déferlement masque un quelconque manque d’idées ou de technique. Ici, c’est un choix assumé et servi par d’excellents improvisateurs.

Au cœur du concert, l’improvisation, la réactivité, le jeu entre la voix et les musiciens, entre les passages « écrits » et les plages de liberté investies sans hésitation. Jean Louis est un véritable power trio, une sorte de Rage Against The Machine version free jazz, et Dgiz un slammeur dont la volubilité sert des propos acerbes contre une société déshumanisée. L’équilibre est idéal, l’un et l’autre prenant les rênes à tour de rôle. Les regards échangés évoquent ceux qu’on peut observer dans la boxe, entre respect et provocation. L’apport des effets, notamment côté trompette offre une palette digne d’un orchestre entier. La puissance de la contrebasse sert superbement la technique de Joachim Florent, entre jazz, funk et rock. Quant à la batterie, elle souligne ou dynamite les propos de Dgiz, boule de nerfs qui gesticule, hurle, joue avec les dérapages verbaux en construisant ses improvisations à partir de mots ou de syllabes repris et réutilisés.

Au second set, cette osmose se fragilise ; voix et musique ont plus de mal à se (re)trouver, malgré la sincérité évidente. Un phénomène compréhensible après si peu de travail en commun pour une musique aussi exigeante. Reste un grand moment, notamment grâce à Jean Louis qui fait preuve d’une cohésion parfaite, rodée par des années de tournées, et pourtant pleine de fraîcheur, de liberté et de revendications, qui bouscule pas mal de choses sur son passage et nettoie les oreilles comme le cerveau.