Scènes

Le Panno au LU : Animat / Glowing Life

Retour sur les concerts d’Animat et de Glowing Life au Lieu Unique dans le cadre du Pannonica hors-les-murs.


Sylvaine Hélary, photo Christophe Charpenel

En travaux, le Pannonica s’installe ponctuellement au Lieu Unique. L’occasion de découvrir quelques formations intéressantes pour un mini-festival qui n’en porte pas le nom mais en a tous les atours. Aux frontières du jazz et des esthétiques transversales, la programmation fait la part belle aux aventurièr.e.s du son. Premier soir, le jeudi 17 octobre avec Animat et Glowing Life.

Pôle dédié à la culture contemporaine défricheuse, parfois avant-gardiste, toujours passionnante, le Lieu Unique se situe dans les anciens locaux de la biscuiterie LU (les initiales Lefèvre Utile valent aussi pour Lieu Unique). Vaste bâtiment dominé par une tour devenue l’un des symboles de Nantes, le LU accueille le Pannonica durant des travaux de mise aux normes. La transition temporaire se fait naturellement, la programmation est à la croisée de plusieurs styles et propose des projets atypiques qui satisfont les oreilles des curieux.

Trio manceau, Animat s’est constitué à partir d’un solo de Thomas Belhom. Musicien réputé des fines bouches, il joue avec Tindersticks ou Calexico et transporte sa batterie sur de nombreux projets de pop alternative. Percussionniste, coloriste, il distille avec une finesse au ton clair et léger, des ambiances en retenue qu’il habille avec beaucoup de justesse par des boucles de guitare. Complété par un chant filtré par un micro, il crée de petites ritournelles folk qui évoque un monde américain lointain. Sauf que ce lointain est aussi un ailleurs.

La basse de Paul Rogers, qui tient de la vielle, de la contrebasse, du sitar ou tampoura indien, est le principe dérivateur qui emmène la musique vers des territoires surprenants. Caressante ou plus âpre, elle investit le free avec un sens de l’équilibre qui structure solidement le trio et le place à la croisée des chemins. Ne reste plus à Cédric Thimon que d’apporter les sons chauds d’un saxophone déambulant au gré des mouvements. Tumultueux parfois, apaisé souvent, il paraphrase les chants de Belhom sans jamais s’engager sur des solos au long cours. Le trio, soutenu par des images empruntées à la Filmoteca de Valencia, reste centré sur une musique concise qui prend le temps d’évoluer sans s’égarer et constitue une porte d’entrée vers l’évasion.

Paul Rogers, photo Michael Parque

Une robe peut-elle être le point de départ d’un concert ? Celle que porte Sylvaine Hélary par exemple. Noire, taillée en large triangle et floquée d’étoiles, elle rappelle les magiciennes des histoires pour enfants, sorcières bienfaitrices qui sont, elles aussi, les passeuses vers des mondes imaginaires. L’univers de la flûtiste est une métamorphose permanente.

De fait, ses apprentis l’aident à résoudre les formules magiques qu’elle met au point durant son set. Les guitares électrique ou basse seventies de Benjamin Glibert (qu’on peut également écouter chez Aquaserge) apportent l’efficacité d’une rythmique moelleuse ou tonique tandis que la paire soudée que forme Antonin Rayon à l’orgue et Christophe Lavergne à la batterie distille des formules complexes, subtiles dans leur intention sans pour autant négliger un plaisir de jeu évident.

La grande prêtresse est au centre. Elle gouverne ces ambiances changeantes à coup de flûte enlevée ou de paroles chantées/parlées, scandées à l’envi. Les nombreuses atmosphères contournent les courbures du temps qui balancent de climats évidents en atmosphères plus exigeantes. Et cette ivresse est un envoûtement. Glowing Life, c’est la vie scintillante. Celle des paillettes dans les yeux et celle des éclats tranchants qui fendent les tympans. A la frontière de la magie noire et blanche, cette musique charme.