Chronique

Theo Bleckmann, Gary Versace & John Hollenbeck

Refuge Trio

Theo Bleckmann (voc, électr), Gary Versace (p, org, acc), John Hollenbeck (dm, perc)

Label / Distribution : Winter & Winter/Harmonia Mundi

Theo Bleckmann sait s’entourer : après un disque consacré aux chansons de Charles Ives avec Kneebody, on le retrouve ici avec le percussionniste John Hollenbeck, connu notamment grâce à son Claudia Quintet, et Gary Versace aux piano, accordéon et claviers. Sur un répertoire traversant les univers de Joni Mitchell, Thelonious Monk ou Ornette Coleman, pour la musique, et Masahide ou Priest Monseri pour la littérature, le Refuge Trio nous emmène à la découverte de son univers, tout à la fois étrange, insaisissable et surprenant.

Les trois premiers morceaux offrent une synthèse du monde musical du groupe : une version a cappella de « Refuge Of The Roads » de Joni Mitchell (le trio tire d’ailleurs son nom de ce morceau) permet d’apprécier la voix droite, diaphane et claire de Bleckmann. Pour la chanson suivante, la voix est démultipliée grâce à un traitement électronique en direct, et accompagnée par l’orgue et le glockenspiel. Enfin, la troisième plage présente le versant jazz du trio, avec un Hollenbeck particulièrement foisonnant ; ici, Bleckmann joue de sa voix comme d’un instrument. En trois morceaux, on nous offre donc un aperçu du voyage proposé, en trois étapes : jazz, musique contemporaine, chanson.

La richesse des ambiances est notamment due aux qualités de multi-instrumentistes de Hollenbeck et Versace, mais aussi à la voix de Bleckmann, utilisée de manière très personnelle. Avec pour conséquence que trio sonne comme un ensemble plus large. La musique sait se faire éthérée, étrangement lunaire, puis onirique, tantôt apesanteur, tantôt bruitiste. C’est ce qui fait l’intérêt du disque et son originalité, avec l’importance accordée aux détails, le jeu perpétuel sur le rapport voix/instruments, et le choix du répertoire et des compositions. À preuve la réinterprétation saisissiance et novatrice du « Misterioso » de Monk : une introduction par une voix quasi bruitiste, qui ensuite « joue » le riff pendant que Versace improvise, le glockenspiel de Hollenbeck renforçant la distance avec la version originale. Un album habité, comme ce Refuge Trio nous emmenait visiter ses rêves. On regrette bien quelques longueurs et redites mais la musique et les textes sont également captivants.