Chronique

Jean-Marc Foussat, Daunik Lazro, Evan Parker

Café Oto, London, the 22th of january 2020

Jean-Marc Foussat (synthétiseur AKS, voix), Daunik Lazro (baryton), Evan Parker (ss)

Label / Distribution : Fou Records

Fruit d’une soirée de concerts réunissant de vieilles, et toujours actives, amitiés musicales, Café Oto vient ajouter son indispensabilité au catalogue de la maison Fou Records. Organisé en deux disques, il présente le travail actuel de sorciers du son qui n’aiment rien tant qu’utiliser cette matière vibratoire pour exprimer les sensations les plus diverses et les moins communément déployées.

Ainsi sur le premier disque Inventing Chimaeras, le seul Jean-Marc Foussat aux synthétiseurs et à la voix met en mouvement son savoir-faire pour inventer in vivo un petit théâtre de bruits divers, autant concrets que synthétiques, qui viennent s’empiler les uns sur les autres dans un simulacre de chaos - le tout est cependant parfaitement organisé. Ce flux de pensées musicales traverse l’espace et se tient à l’affût pour saisir au moment opportun la montée d’une tension. Des déchirements soudains remplissent alors l’oreille d’un frémissement inattendu. Celui du pur plaisir sonore comme celui qui glace d’effroi.

Le second disque (Présent manifeste) est devenu trio : Daunik Lazro et Evan Parker s’ajoutent à la partie. Se côtoyant depuis plusieurs décennies, ayant participé à l’élaboration d’un langage qu’ils maîtrisent pleinement, le baryton nourrit la surface de profondes racines terreuses tandis que la volatilité des aigus du soprano s’évade vers les hauts. Cette complémentarité n’est en rien exclusive : les interventions de Foussat bousculent la hiérarchie et obligent à repenser la finalité de chaque étape.

Car c’est une musique sans objectif, en effet, mais qui joue avec le temps. Les trois musiciens déploient durant près de trois quarts d’heure un grand cycle dont ils longent la circonférence, pareils à des danseurs qui se jettent ensuite dans le cœur d’une cible qu’ils portent à incandescence.

Le brûlant du trio trouve son explosivité dans la lente dilution d’une temporalité qui se compresse et devient matière avant de reprendre un cheminement vers un même point de départ fait de variations, de compléments ou de retraits. S’ajoute à cela un indéniable sens du tragique dans les hurlements ou les mélopées entêtantes qui donne à cette rencontre les atours d’un fantastique horrifique rarement entendu ailleurs.