Chronique

Jean-Marc Foussat, Emmanuelle Parrenin & Quentin Rollet

Haut-Coeur

Jean-Marc Foussat (Synthi AKS, voix et jouets), Emmanuelle Parrenin (vielle à roue, voix) & Quentin Rollet (as, sopranino, dispositifs électroniques)

Label / Distribution : Fou Records

Un an après Nature Still qui avait été distingué dans les colonnes de ce magazine, le toujours très actif musicien et patron de label Jean-Marc Foussat revient pour apporter une pierre nouvelle à la collaboration qu’il entretient avec la joueuse de vielle à roue Emmanuelle Parrenin. L’association de l’instrument venu des temps anciens et des capacités mutliples du Synthi AKS que Foussat maîtrise parfaitement fonctionne à nouveau à plein régime ; c’est dans la jonction de voix d’une temporalité apparemment différente que s’épanouit le mieux leur musique. Rien ne les distingue en fin de compte, et il semble qu’ils aient trouvé la bonne distance pour laisser advenir une poétique du sonore.

Accompagnés, non plus par la tromboniste Christiane Bopp comme sur le précédent disque mais cette fois par le saxophoniste Quentin Rollet, le trio déroule une promenade mesurée qui tient de la déambulation noire. Par des effets amalgamés dont on ne peut pas toujours distinguer l’auteur.e, la musique entraîne l’auditeur dans une peinture sans âge où la variation des textures a son importance.

Aucun effet superfétatoire n’est perceptible, et d’ego encore moins : il s’agit de donner à entendre un monde gris au changement lent, vaguement inquiétant mais dont la puissance évocatoire, par son refus précisément de l’événement retentissant, est notable. Le crissement caractéristique de la vielle prend des colorations mécaniques ; les images sonores que Foussat distille avec justesse et parcimonie permettent d’élargir le fantasmagorique de ce trio. Rollet, par des griffures choisies, vient lacérer l’espace avec des harmoniques qui complètent la peinture comme autant de zébrures ou de clapotis toujours dynamiques.

Sur “Amour” qui vient clore ce parcours enregistré dans la boutique des Allumés du Jazz en 2022, le trio s’ébroue lentement à partir d’une mélopée chantée, puis gagne en substance sans se laisser déborder. Ces chromos à exemplaire unique qui se tiennent en marge d’un monde hyper-sophistiqué et largement oiseux sont une parenthèse précieuse pour continuer à y vivre si ce n’est sereinement, tout au moins en équilibre.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 2 avril 2023
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