Scènes

Peirani et Parisien à l’Europa Jazz

Le duo Peirani & Parisien, à Trélazé, le 27 mars 2015, dans le cadre de l’Europa Tour


Vingt-huitième édition de l’Europa Tour, au cours duquel Vincent Peirani et Emile Parisien partaient en tournée dans les Pays de la Loire. Au Théâtre de l’Avant-Scène à Trélazé (périphérie d’Angers), les deux musiciens ont partagé leur complicité tous azimuts et en ont fait profiter le public.

Après Eric Le Lann (2014), Bojan Z (2013) et Michel Portal (2012) lors des précédentes éditions, à eux de partir sur les routes de l’Ouest. Avant le mois de mai, cœur de l’Europa Jazz Festival au Mans, cette série de concerts bénéficie d’un réseau de structures et traverse les endroits les plus divers, petites salles de préférence, devant un public cosmopolite et toujours enthousiaste.

La rencontre de Vincent Peirani et Emile Parisien remonte à 2012 ; ils sont alors membres du quartet de Daniel Humair (Sweet And SourDaniel Humair, Elu Citizen Jazz). Leur entente est telle que le premier invite le second dans son quartet Living Being ; par la suite, ils enregistreront Belle époque en duo, autour de l’œuvre de Sidney Bechet. Les compositions de ce disque ont d’ailleurs constitué l’essentiel du programme de la soirée.

Et cette musique est une musique d’évidence. Dès le mélancolique « Egyptian Fantasy », le timbre chaud et large du soprano et la respiration généreuse de l’accordéon plongent l’auditeur dans une temps révolu, certainement fantasmé, qui mélange joie et nostalgie avec une égale intensité. Les quatre dates précédentes les ont mis en verve : quelques notes leur suffisent pour évoquer tout cet univers, en évitant les écueils du folklorisme. L’exercice est délicat ; le pouvoir évocateur de l’accordéon est si puissant qu’un trop grand respect pour son répertoire peut vite le faire verser dans l’ennui du cliché. Rien de cela ici, la bête à soufflets déborde, bouscule, propulse des sons qui vont du quasi perceptible au gros volume. A ses côtés, ou au-dessus, voire en dessous, Parisien se fait chanteur, hypnotiseur de foules. Ils nous égarent ainsi (notamment sur « Temptation Rag ») dans de complexes circonvolutions, avant de retomber avec un plaisir visible sur les effets attendus de l’accordéon musette et du saxophone jazz d’avant-guerre.

Mais il ne faudrait pas limiter le duo à ces seuls effets de manche ; il réserve en effet des instants plus tragiques et complexes. Sur « Shubertauster » notamment, Peirani échafaude une construction sonore à plusieurs dimensions. Trois lignes mélodiques s’entrecroisent au cœur de cette savante architecture, pendant que Parisien le soutient dans un registre émouvant de lyrisme.

Les spectateurs sont béats. Des discussions et beaucoup d’humour agrémentent la soirée, sans jamais rien de forcé ni de convenu. La salle, intime et conviviale, et qui ce soir est pleine, abolit la barrière entre scène et public. Dans cette rencontre où l’esprit de récréation se double d’un acte de re-création, une musique mémorielle et collective peut surgir, que chacun se réapproprie.