Chronique

Joe Fiedler

Fuzzy and Blue

Joe Fiedler (tb), Jeff Lederer (ss, ts, cl, bcl), Steven Bernstein (tp, flh), Sean Conly (b), Michael Sarin (dms)

Label / Distribution : Multiphonics Music

Décédé en 1989, quelques mois avant Jim Henson, le créateur des Muppets, le compositeur Joe Raposo est avant tout connu pour ses musiques pour le Muppet Show et sans doute davantage encore pour Sesame Street. Même s’il a - entre autres - composé pour Sinatra, c’est peut-être davantage pour « I am Blue », de la couleur du célèbre Cookie Monster, qu’il est le plus connu, et avec qui retomber en enfance se fait avec l’adjonction d’une bonne dose de swing. Dans son premier Open Sesame, le tromboniste Joe Fiedler, disciple de Mangelsdorff et arrangeur de Sesame Street depuis 15 ans, avait déjà largement visité le matériel laissé par Raposo. Avec la même équipe augmentée du trompettiste Steven Berstein, qui s’amuse sur le joyeux « Elmo’s Song » avec la belle doublette rythmique composée de Sean Conoly à la contrebasse et Michael Sarin à la batterie, on découvre avec Fuzzy and Blue que les musiques de Raposo n’avaient pas qu’un intérêt illustratif et nostalgique.

On s’en convainc d’abord avec le très beau « I am Somebody », chanté par Miles Griffith. La chanson, éminemment progressiste, est un petit bijou coloré et agressif où les soufflants, à commencer par Fiedler et le saxophoniste Jeff Lederer jouent très en avant, autour d’une basse puissante. On retrouvera cette même articulation, avec une attention de chaque instant aux arrangement dans le « duo » de Oscar The Grouch [1] et Cookie Monster sur « I love Trash/C for Cookie » où Fiedler, avec efficacité et simplicité, joue des coudes avec Steven Berstein et la voix éraillée de Griffith, qui s’amuse littéralement autant que nous dans ce disque avant tout joyeux.

Mais c’est sans doute avec la « Bip Bippadotta Suite » que Fuzzy and Blue trouve son sommet. D’abord, ne boudons pas notre plaisir, parce que c’est la meilleur relecture du « Mah-na Mah-na » du Muppet Show, ce morceau extra-terrestre de Piero Umiliani repris en son temps par Salvador et que Fiedler joue ici à grand renforts de sourdines, avec un humour et un décalage qui ne fait jamais fi d’une grande rigueur rythmique. Paraphrasons les mots de « Captain Vegetable » qui clôt l’album : la musique de Raposo et Fiedler, c’est bon pour vous, alors mangez-en !

par Franpi Barriaux // Publié le 16 janvier 2022
P.-S. :

[1Mordicus, le fan des poubelles, en français, NDLR.