Chronique

Jørgen Emborg

Swan Songs / Jørgen Emborg Greatest

Hans Ulrik (ts, ss), Lars Jansson (p), Thomas Fonnesbæk (b), Morten Lund (dms), Mathias Heise (harm), Johan Dynnesen, (perc), Sinne Eeg (v), Emborg Kvartet, Alpha Centauri, Frontline, Boel, Emborg, Vinding, Riel, Emborg-Larsen Quintet

Label / Distribution : Stunt Records

Jørgen Emborg est un incontournable de la scène jazz danoise. Plus de 40 ans de carrière, ce n’est pas rien. Plus d’une dizaine d’albums solo et en groupe non plus. Il s’est produit aux côtés des grands musiciens de jazz danois et avec de nombreux artistes de renommée internationale parmi lesquels Dee Dee Bridgewater, Art Farmer et Joe Henderson. Atteint de la maladie de Parkinson et incapable de jouer du piano, Emborg revient après trois années d’absence avec Swan Song réunissant passé, présent et futur incertain.

Le nom de ce dernier album est significatif pour Emborg le musicien, compositeur et homme. Swan Song pour le chant du cygne ; oiseau symbolisant l’amour, l’inspiration, l’intuition, l’émotion et la spiritualité. Tant d’éléments qui semblent avoir participé à la création de cet album ; en attestent ses propres mots écrits dans la pochette : « Swan Song« clearly signifies something definitive and represents something final. That’s how I had it until a while ago. My experience with Parkinson’s Disease took a violent turn as 2019 became 2020 - suddenly, I was unable to do almost anything - and then I couldn’t play the piano at all. The title, »Swan Song« , therefore seemed to fit, despite the hopeless horizon and not much hope. Lately, I’ve begun to wonder if swans can reincarnate, and have therefore bought a piano bench with backrests… » [1]

Ce double album réunit de nouvelles œuvres ainsi qu’une compilation de morceaux les plus importants de la carrière du musicien.

Le premier CD contient 12 compositions originales signées et arrangées par Jørgen Emborg, dont 8 n’ont jamais été enregistrées auparavant. Doux et empreint de mélancolie, il m’a surprise par son efficacité et sa sobriété.
Simple et construit (« Running »), avec une pointe d’improvisation (« How Do Tou Know ») et beaucoup de maîtrise et de délicatesse. Rien d’étonnant ou de détonnant dans ce disque aussi agréable à écouter qu’un groupe de jazz jouant entre deux plats Chez Papa. Une ambiance smooth jazz aux structures rythmiques simples et répétitives accompagnées de mélodies enivrantes parfois chantées par Sinne Eeg. Une voix pleine de soul interprétant des paroles écrites par Lisa Freeman, parolière qui accompagne Emborg depuis plusieurs années tout comme l’harmoniciste danois Mathias Heise dont on avait déjà repéré les solos d’une beauté rare sur l’album What’s Left (2017).
Mais tout est presque trop lisse et contrôlé. Comme si le destin hasardeux du jazz s’était rangé.

Mon sentiment d’insatisfaction grandissant à la fin de ce premier CD a été apaisé par le second : Jørgen Emborg Greatest. Ce dernier regroupe 12 morceaux notables de la carrière du musicien, faisant presque de l’ombre à ses nouvelles compositions. Mais qu’il est bon d’entendre le pianiste parcourir les touches d’un piano dans « Breathless » enregistré avec Frontline ou « Change of Heart » extrait de Heart Of the Matter sorti en 1991 avec son quintette.

Un double album d’une douceur auditive qui comblera amoureux et amateurs de jazz. Il permet de découvrir ou redécouvrir Jørgen Emborg et d’apprécier l’étendue de son talent.

par Mélodine Lascombes // Publié le 21 février 2021
P.-S. :

[1« Swan Song » signifie vraiment quelque chose de définitif et représente quelque chose de décisif. C’est comme ça que je voyais les choses, il y a encore quelque temps. Mon expérience de la maladie de Parkinson a pris une tournure violente lorsque 2019 est devenu 2020 - soudainement, je ne pouvais presque plus rien faire - et surtout je ne pouvais plus du tout jouer de piano. Le titre, Swan Song me semblait donc convenir, malgré mon horizon sans perspectives et avec peu d’espoir. Dernièrement, j’ai commencé à me demander si les cygnes pouvaient se réincarner, et j’ai donc acheté un siège de piano avec un dossier…