Tribune

Kenny Wheeler (1930 - 2014)

Kenny Wheeler, trompettiste, bugliste et compositeur né à Toronto mais installé au Royaume-Uni depuis les années 1950, compagnon de route de quelques-unes des plus grandes figures du jazz, nous a quittés. Hommage.


Cette année 2014 aura été marquée par la disparition de nombre de nos héros, parmi lesquels Charlie Haden, Jimmy Scott, Jean-Jacques Avenel, Jean « Popof » Chevalier ou encore Roy Campbell. De quoi imaginer un fameux groupe… Cette semaine, c’est le grand Kenny Wheeler qui rejoint cette constellation d’artistes qui a si bien su nous émerveiller.

Très affaibli, Kenny Wheeler s’en est allé alors qu’un élan de solidarité se poursuivait en Angleterre comme en France afin de lui apporter une aide matérielle devenue urgente ; sa disparition provoque une multitude de réactions émues, en hommage à ce musicien très discret, singulier, et à sa prestigieuse carrière.

Il serait vain de se livrer à un rappel exhaustif de sa discographie, qui - après un premier album en 1969, intitulé Windmill Tilter - compte quelque cent références facilement accessibles. On se bornera donc à évoquer, non sans émotion, quelques disques marquants et représentatifs des univers qu’il a traversés, au-delà de ses collaborations plus ou moins régulières avec des musiciens tels que David Sylvian, Marc Copland, Elton Dean, Paul Bley, Steve Coleman, Pierre Favre, Tony Coe, John Edwards ou Evan Parker.



Tout d’abord au sein du génial quartet d’Anthony Braxton, au milieu des années 1970, avec Dave Holland et Barry Altschul (écoutez le superbe coffret Mosaic consacré aux années Arista de Braxton) ; l’interaction et l’excellence instrumentale servent superbement les compositions. Dans un tout autre style, on retrouve Kenny Wheeler sur plusieurs albums de Rabih Abou-Khalil (Blue Camel (Enja, 1992) et The Sultan’s Picnic) (Enja, 1994), à la croisée du jazz et des musiques moyen-orientales. Parmi ses acolytes de prédilection il y eut bien sûr le précieux pianiste John Taylor, avec qui il constituait le trio « Azimuth » en compagnie de la chanteuse Norma Winstone. Taylor et Wheeler jouent ensemble sur de nombreux autres albums, tel le très beau What Now ? (Cam Jazz, 2005) avec Chris Potter et le fidèle Dave Holland. Enfin, parmi ses œuvres en leader s’imposent Gnu High avec Keith Jarrett, Dave Holland et Jack DeJohnette (ECM, 1975), Deer Wan avec Jan Garbarek, John Abercrombie, Dave Holland, Jack DeJohnette et Ralph Towner (ECM, 1977), Angel Song, le plus connu, avec Lee Konitz, Dave Holland et Bill Frisell (ECM, 1997) et enfin Music For Large And Small Ensembles qui permet d’apprécier ses talents de compositeurs et sa science de l’harmonie (ECM, 1990).

Kenny Wheeler a marqué de nombreux musiciens, ceux avec qui il a joué, bien sûr mais aussi les générations suivantes, et notamment en France. Il faut écouter par exemple l’album G. Meets K. de Geoffroy Tamisier avec l’OLH Acoustic et le maître lui-même (Yolk en 200), ou le disque que le chanteur Thierry Peala [1] lui a consacré, Innertraces - A Kenny Wheeler Songbook (Naïve, 2001) ; le trompettiste y participait, de même que Norma Winstone mais aussi Bruno Angelini, Riccardo del Fra et Steve Argüelles. Son lyrisme, sa sonorité unique au service d’un grand sens mélodique vont nous manquer. Ses compositions, elles, demeurent.

Ci-dessous une interview de Norma Winstone et Evan Parker à propos de Kenny Wheeler, réalisée par la Royal Academy of Music, avec laquelle il entretenait des liens privilégiés et qui lui a consacré une importante exposition en 2013.



Le site LondonJazz News avait interviewé Kenny Wheeler en 1990.