Tribune

Le Fou sur la Colligne

E-nepties et déraisons : Médéric Collignon


Médéric Collignon

Médéric Collignon.
Ce 6 juillet, du côté de Villers-Semeuse, attentifs et tendus, on attendait.

Figure 1 : le tendeur Collignon et sa clé

Tension inutile si on y regarde de près car, sur le berceau du bambin, s’est penchée la fée Trompette. Voilà qui change tout surtout quand on a George comme parrain (pas le Sétois moustachu mais le frangin d’Ira) et qu’il y a Boris le tonton pataphysicien. Conscients des devoirs qu’ils avaient, les parents se firent un devoir d’inculquer à leur rejeton une vraie culture. Il écouta donc du Miles Davis (beaucoup), du King Crimson et autres joyeusetés ; il lut les Pieds Nickelés et l’Echo des Savanes et alla au ciné. Il préféra très vite le cornet de King Oliver à celui à deux boules vanille/chocolat et fut adoubé par Miles et Gil lors d’une cérémonie toute simple mais empreinte d’une virile émotion. Révérencieux mais facétieux, le petit Médo se mit vite fait à monter un groupe finement baptisé Jus de Bocse. Vous pigez l’astuce ? Vous visualisez la référence ? Cet appareil aussi clinquant et bruyant qu’encombrant qu’on trouvait souvent dans les cafés et les vieux films bien de chez eux (Made in USA, Jean-Luc Godard…) ?

Ils se mirent donc à bosser dare-dare sur Porgy and Bess pour offrir un beau disque à ses darons et plus si affinités (et il y en eut). Se rendent-ils compte que le fourbe rital Paolo (Fresu) en fait de même et plus vite [1] ? Possible mais c’est pas grave, y’a d’la place pour les deux : la preuve ? j’ai les deux disques plus la Référence (Miles et Gil) et je les écoute (les trois !). Bourré de respect, c’est un hommage. Dommage, diront les grincheux. Et il se paie la fantaisie de faire l’impasse sur l’incontournable. Pas de Summertime ? Eh ben, non. Arrogance ? Dégonfle ? Peut-être qu’on l’a tellement joué comme entité individuelle, tellement sorti de son contexte, que ça suffit ; overdose alors ? Un peu de Ron Carter en remplacement, fermons le ban.

Ayant, comme moult mioches chiants avant lui, mis le doigt dans la prise, il a fait l’expérience électrique et Miles s’y étant collé, le Collignon Jr. n’a pu qu’applaudir puis s’en gaver pour se lancer dans un autre projet judicieusement et inévitablement intitulé Shangri-Tunkashi-La . Relecture (légèrement dyslexique mais qu’importe, je prends et en redemande !) d’un Miles fin 60 début 70, époque davisienne luxuriante [2] et chaotique avant une retraite qu’il eut le bon goût de ne pas éterniser. Ne s’étant pas tout de suite aperçu qu’avec Miles c’était McLaughlin qui s’échinait le plus souvent sur la gratte et pas Jimmy Page, nos Jus (de sacrés gusses) bouclent avec un Kashmir aussi inattendu que bienvenu.

Faut dire que ça habille.
Et il ne s’en est pas tenu là, le bougre ! Mais on verra ça plus tard, quand vous aurez écouté ou réécouté les disques où il est allé piocher avec toute la retenue du disciple respectueux mais … (voir plus haut) : Get Up With It, Bitches Brew, The Complete In A Silent Way Sessions, Big Fun, Agharta, Live Evil, Filles de Kilimanjaro (à moins que je ne me plante !) et le Physical Graffiti (de Led Zep).

par Biyet Dumeur // Publié le 10 juillet 2016
P.-S. :

[1Kind of Porgy and Bess

[2Luxuriante : pas forcément « qui s’adonne à la luxure » - quoique - mais certainement « qui déborde de richesse et de vigueur » (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, 637, p. 587)