Chronique

Le sacre du Tympan

X

Label / Distribution : Train Fantôme

On pourrait songer à Fred Pallem comme à une énigme. Bassiste talentueux, arrangeur célébré au-delà des musiques de jazz, le créateur et animateur du Sacre du Tympan qui porte avec légèreté ses 25 ans, est toujours resté secret et relativement en retrait. Il aura fallu la ressortie récente de son premier album pour qu’on se rende compte de toute l’importance qu’a pris Le Sacre du Tympan dans le paysage des Grands Formats actuels ; et il aura fallu attendre le dixième album pour qu’il fende vraiment l’armure, tout en restant ancré dans un univers résolument cinématographique, comme en témoigne le très malin « Stratagème 34 » où l’on entend pour la première fois la voix de Pallem, entourée de fidèles comme Rémi Sciuto aux saxophones ou Vincent Taeger à la batterie. On retrouve dans X une configuration similaire à L’Odyssée, son précédent et très ambitieux album où les cordes étaient omniprésentes. D’Anne Le Pape à Séverine Morfin, les violons les violoncelles et les altos (16 pupitres en surplus du nonet) donnent à la musique de Pallem un relief fascinant qui suggère toutes sortes d’images.

Toujours dans une soudaine direction intimiste, X parle de Pallem, et de ses sentiments, à l’instar de l’émouvant « Goodbye Lougarock » dédié à son père. Dans un tutti de soufflants, où l’on retrouve Sylvain Bardiau à la trompette, c’est Guillaume Magne qui se lance dans un hommage solaire, vite rejoint par les claviers de Sébastien Palis. Sans emphase ni lyrisme malvenu, Fred Pallem crée ce cinéma pour les oreilles qui a toujours été sa plus grande motivation : sur « L’Amour du disque », véritable hymne pallemien, la basse élégante et puissante dessine le chemin que l’orchestre affectionne sans jamais de redites. C’est un feu d’artifice, tortueux et pourtant fluide, où la dynamique de groupe n’empêche pas les fulgurances individuelles, à l’image de Daniel Zimmerman. Plus loin, avec le plus cosmique « 62 Satellites », Pallem continue sa route dans son univers personnel, appuyé par ces cordes qui servent mieux que jamais son propos et son imaginaire. Moins scénarisé que ne l’était l’Odyssée, X est un disque kaléidoscopique et d’une grande richesse.

X, c’est surtout le dixième album du Sacre, une aventure au long cours qui n’a jamais déçu. Loin des folies du début et des hommages directs, de François de Roubaix aux dessins animés, c’est un vrai discours personnel qui anime Le Sacre du Tympan, qui parvient sans cesse à se renouveler. Depuis Odyssée, et un effectif stabilisé, on a le sentiment qu’un vrai cap est enclenché. Ainsi « Bitches en Marbella », avec ses allures de course poursuite vintage permet à l’orchestre de se livrer à son plaisir coupable, la musique de cartoons, tout en insistant sur de nouvelles couleurs, de nouvelles esthétiques délestées des tentations de décalage et d’ironie qui furent parfois le paradigme des débuts. Pour revendiquer une telle liberté et une telle richesse, il faut un vrai facteur X. On connaît son identité : c’est Fred Pallem.

par Franpi Barriaux // Publié le 2 avril 2023
P.-S. :

Fred Pallem (b, synth, voc), Rémi Sciuto (as, bs, fl), Christine Roch (ts, cl), Sylvain Bardiau (tp, flh), Daniel Zimmerman (tb), Guillaume Magne (g), Sébastien Palis (cla), Guillaume Lantonnet (perc), Vincent Taeger (dms), Anne Le Pape, Johan Renard, Dorothée Nodé-Langlois, Mélanie Ravaux, Fanny Stefanelli-Gallois, : Aurélie Branger, Clara Lecarme, Marthe Gillardot, Anne Camillo (vln), Séverine Morfin, Julien Gaben, Marion Plard, Julia Macarez (vla), Michèle Pierre, Solène Chevalier, Justine Métral (cello)