Chronique

Tres Testosterones

The Band Formerly Known as Hang Em High

Radek « Bond » Bednarz (b, elec, fx), Lucien Dubuis (cbcl, bcl), Alfred Vogel (dms)

Label / Distribution : Gig Ant

On pensait avoir à peu près tout entendu dans la formule actuelle du Power Trio avec sa basse ou sa guitare baryton saturée, sa batterie ravageuse et un sax extatique, si possible s’offrant les riffs les plus déstabilisants qui soient. Gros son enragé qui lorgne vers les scènes metal ou punk en conservant un goût certain pour les improvisations complexes, capables de réveiller toutes les dynamiques possibles. C’était compter sans Tres Testosterones et sa formation aussi atypique que son jeu, sale, débordant, grasseyant et ainsi parfaitement jouissif. Le nom de ce trio européen et la pochette en forme de western post-apocalyptique, évocateurs de gros rustauds machistes, ne doit pas influencer l’écoute. Il y a beaucoup d’ironie là-dedans.

D’abord parce que « Bella Mortadella » et son atmosphère de basses profondes, aux vibrations presque imperceptibles, se révèle d’une grande douceur en dépit du ronflement inquiétant de la clarinette contrebasse de Lucien Dubuis. Ensuite parce que le groupe créé par le bassiste polonais Radek Bednarz, plus connu sous le sobriquet Bond, s’appelait Hang’em High lors de leur premier album Beef & Bottle et que ce n’était guère plus accueillant. Ce disque n’a d’ailleurs pas vocation à chanter l’amour éternel. Qu’importe ! L’énergie est là, elle irradie des clarinettes basses et contrebasses et se canalise à travers la batterie de l’Autrichien Alfred Vogel (« Into The Mind », dont le groove est enflammé par ses accélérations ou sa soudaine rigidité). Mais au centre, imperturbable et extrêmement technique se trouvent les cinq cordes bardées d’effets d’un bassiste joyeusement débarrassé de tout surmoi. Il emmène ses compagnons où il le veut, parfois d’une mesure à l’autre, sans se soucier d’une cohérence qu’il maintient pourtant tel un cap.

Son nom est Bond. Juste Bond. Avec son groupe Miloopa, il est plutôt connu dans les sphères électro pour ses rencontres avec les rappeurs d’Antipop Consortium qui ont déjà collaboré avec Matthew Shipp ou Claudio Puntin. Alors avec Dubuis qui a les Beastie Boys et John Zorn pour modèles [1] et Vogel très investi sur la scène improvisée en Europe Centrale, dénicher une direction commune est chose simple. Le contondant « Ashish Bolognese » en témoigne : on n’est pas loin d’un break à la Metallica dans l’agilité de la clarinette, mais la rythmique instable permet tous les décalages et les cris. La testostérone est là sans doute, mais c’est l’adrénaline qui est le moteur de ce délicieux désordre hormonal et musical.

par Franpi Barriaux // Publié le 3 décembre 2017
P.-S. :

[1Voir cette ancienne interview.