Louis Sclavis
Frontières
Louis Sclavis (cl, fl), Keyvan Chemirami (perc), Bruno Chevillon (b), Gilles Coronado (g), Vincent Courtois (cello), Maxime Delpierre (g), Christophe Lavergne (dms), Benjamin Moussay (p, kb), Vincent Peirani (acc), Dominique Pifarely (vln).
Label / Distribution : JMS
L’actualité discographique de Louis Sclavis est plutôt chargée. Jugez-en plutôt : à la fin de l’année dernière, ce fut pour commencer la réédition en vinyle chez Ouch ! Records, le label du saxophoniste Lionel Martin, d’un disque paru 25 ans plus tôt chez IDA Records, Ellington On The Air. Début 2017, le clarinettiste publiait en trio (avec Vincent Courtois au violoncelle et Dominique Pifarély au violon) chez ECM, Asian Field Variations. Quelques mois plus tard, un autre label allemand (Intuition Records) proposait Loin dans les terres, un disque live enregistré en février au Théâtre de Gütersloh, avec Sylvain Rifflet (saxophone), Sarah Murcia (contrebasse) et Christophe Lavergne (batterie). Une belle manière de l’honorer à travers la série European Jazz Legends tout en donnant à entendre un de ses répertoires les plus récents, que Sclavis peut aussi interpréter dans une formule en quintet avec Benjamin Moussay aux claviers et Dominique Pifarély, ce dernier prenant alors la place de Sylvain Rifflet.
Et voilà que Frontières vient s’ajouter à l’édifice discographique de celui qui, au fil des ans, a su construire une œuvre somptueuse et exigeante, et n’a jamais connu le moindre faux-pas depuis la désormais lointaine époque de l’ARFI et de La marmite infernale.
Quatre disques en moins d’un an et un quatrième label, JMS cette fois. Frontières est un nouvel album sans l’être totalement. Ses dix-huit compositions regroupent différentes musiques à l’origine composées pour des films - essentiellement documentaires [i] - et une exposition [1]. Louis Sclavis a remis ses ouvrages sur le métier, au prix parfois d’un réenregistrement complet lorsque l’ajout de nouveaux instruments ou de rythmiques ne suffisait pas. Et c’est une grande partie de sa garde rapprochée des dernières années qu’on retrouve au générique : Keyvan Chemirani, Bruno Chevillon, Gilles Coronado, Vincent Courtois, Maxime Delpierre, Christophe Lavergne, Benjamin Moussay, Dominique Pifarély. Sans oublier Vincent Peirani.
Frontières se compose d’une succession de thèmes aux accents nostalgiques et voyageurs, dont la force mélodique et dansante est bouleversante. On reconnaît çà et là des mélodies familières (par exemple « Child », entendu du côté de Romano Sclavis Texier, ou « Fortuna » qui surgit de Napoli’s Walls). En ce sens, ce disque se rapproche de Danses et autres scènes, paru chez Label Bleu en 1997 ou de La moitié du monde chez JMS en 2007. Comme eux, il occupe une place un peu à part dans la discographie de Louis Sclavis. Frontières n’est pas l’aboutissement d’un projet en tant que tel comme ont pu l’être Napoli’s Walls, L’imparfait des langues, Lost On The Way ou Sources, mais un retour en arrière sur une succession de travaux distincts dont la cohérence permet toutefois l’assemblage naturel. Selon un rythme régulier, tous les dix ans. Musicien perfectionniste, le clarinettiste leur offre un écrin qui les fait briller de mille feux.
Qui plus est, l’évidence mélodique de ce disque en fait un passeport idéal pour faire ses premiers pas dans le monde de Louis Sclavis. Avis à ceux qui ne connaîtraient pas encore cet artiste majeur de la scène jazz : ces Frontières sont aisées à franchir, elles ouvrent sur de magnifiques paysages et vous emporteront dans leur tourbillon chantant.