Chronique

PJ5

Floor Dance EP

Paul Jarret (g, comp), Maxence Ravelomanantsoa (sax), Léo Pellet (tb), Alexandre Perrot (b), Ariel Tessier (dms).

Label / Distribution : Autoproduction

Récemment récompensé au Concours National de La Défense Jazz Festival [1], PJ5 – comprenez par là le quintet du guitariste Paul Jarret – développe des couleurs chaudes aux confins du jazz new-yorkais et d’inspirations volontiers rock (comme chez beaucoup d’autres groupes actuels, l’influence de Radiohead est clairement revendiquée).

Son premier EP, Floor Dance, est la matérialisation réussie d’une écriture qui fait la part belle aux mélodies soignées et à la synergie des éléments qui composent le groupe. Le disque bénéficie par ailleurs d’une excellente prise de son. Ces jeunes musiciens issus des conservatoires parisiens, instrumentistes irréprochables, évitent le piège de la démonstration froide pour afficher de arguments chaleureux à considérer comme un passeport pour les années à venir. A tout moment, les dialogues gourmands entre le saxophone de Maxence Ravelomanantsoa et le trombone de Léo Pellet trouvent un soutien puissant du côté d’une rythmique jamais prise en défaut de groove vitaminé. Alexandre Perrot (contrebasse) et Ariel Tessier (batterie) créent la dynamique nécessaire au développement de thèmes qui retiennent toujours l’attention. Mention spéciale à « Floor Dance », savant exercice de déconstruction où le groupe visite des univers contrastés sous l’impulsion de Paul Jarret – guitariste accompli et compositeur du groupe – dont la fluidité du jeu peut revendiquer à la fois l’héritage de la discipline de Robert Fripp ou l’urgence de McLaughlin période Mahavishnu avant d’embarquer avec lui ses compagnons vers une exploration plus introspective, dans un esprit proche de Kurt Rosenwinkel. PJ5 se paie même le luxe d’une relecture chatoyante de Debussy : son « Clair de lune » entre en résonance cérémonieuse avec « Eggs & Clouds », qui s’appuie sur la même pulsation, avant d’ouvrir des brèches vers des instants recueillis. L’album se clôt par les motifs sériels de « A Floating Peach », autre piste à creuser, autre terrain d’exploration pour les solistes, trombone en tête, décidément à la fête. Ce dernier mot est d’ailleurs celui qui résumerait le mieux l’album.

Jazz par la multiplication des idées, rock pour la tentation du binaire, en fin de compte Floor Dance propose un brassage naturel cultivé par des musiciens qui reconnaissent volontiers n’avoir pas grandi avec les pères supposés dont on devine l’empreinte. Ils appartiennent à la génération qui suit celle des enfants du jazz rock : leur culture est vaste, ils mettent leur musique au service d’un propos mêlant efficacité rythmique et raffinement des constructions. Pas de grands discours donc, ici le bavardage n’est pas de mise. PJ5 est un groupe prometteur, dont la récente récompense devrait constituer un précieux stimulant.

par Denis Desassis // Publié le 8 octobre 2012
P.-S. :

[1Deuxième prix de Groupe, premier prix de Composition et premier prix d’Instrumentiste pour le batteur Ariel Tessier.