Chronique

Magliocchi / Metcalfe / Wacrenier

Ritual For Expansion

Paul Wacrenier (p), Neil Metcalfe (fl), Marcello Magliocchi (dms)

Label / Distribution : Le Fondeur de Son

Plus connu pour son Healing Unit, pianiste qui s’inscrit dans la longue tradition du free jazz, Paul Wacrenier n’avait a priori jamais expérimenté en disque l’aventure de la rencontre, de l’immédiateté d’une petite formation sur scène. Avec Ritual For Expansion, qui marque de nouveau le soutien du label Le Fondeur de Son (LFDS) cher à Yoram Rosilio, il se frotte à deux vieux routards de l’improvisation libre, le flûtiste britannique Neil Metcalfe, compagnon régulier de Paul Dunmall ou Evan Parker, et batteur Marcelo Magliocchi, un familier de LFDS qu’on a longtemps entendu avec le regretté Gianni Lenoci. Dans « Ritual For Expansion on The Wing of a Song in 9/8 » (difficile de trouver un nom plus précis), le piano de Wacrenier agit en vagues successives, sec, puissant et insistant, marquant une ligne rythmique fissurée que la batterie de Magliocchi souligne d’une débauche de cymbales et d’objet métalliques.

Clairement, il y a dans ces rituels successifs une force d’incantation qui tient d’un fantasme de transe où la flûte de Metcalfe serait la voix libre, le stentor qui s’amuse ou s’affranchit de tout dans une liberté conquise. Les choses sont d’ailleurs posées sans préambule dans « Ritual Before and After The Rain », lorsque l’exubérante flûte se fend d’une courte et amusante citation de la ritournelle des trois petits cochons, comme une réponse à un piano qui gonfle ses basses d’une main gauche autoritaire. Il en résulte un chaos passager qui tient davantage du jeu que de la bagarre, poussé aux limites par une batterie qui passe habilement de la galopade au jeu de cache-cache. Les trois musiciens se découvrent, sur cette scène autrichienne, en compagnie de danseurs qu’on imagine interagir pour donner corps à un mouvement, une circulation omniprésente dans le trio.

Avec cet album, les trois improvisateurs se libèrent de tout, y compris d’esthétiques qui leur sont chères. Au regard des forces en présence, on pouvait imaginer une forte inspiration dolphyenne, et si elle est présente par petites touches, comme des bulles ou des instants fugaces, elle lorgne davantage sur une improvisation européenne largement influencée par l’Afrique. Ainsi de « Ritual of The Unknown » : bien que se terminant sur une marée de nouveau montante à mesure que batterie et piano recomposent une alliance de fer, la première moitié de ce morceau qui ne dépasse pas les 10 minutes se consacre à une errance abstraite, comme en attente d’une recombinaison. Une très belle rencontre.

par Franpi Barriaux // Publié le 23 mai 2021
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