Chronique

Masal

Siempre

Label / Distribution : L’Enclume

Vous ne connaissez pas Masal, ce groupe emmené par le pianiste et compositeur Jean-Paul Prat depuis… 1973 ? Rappelons que le leader en était alors… le batteur, et qu’il allait traverser à sa tête différentes étapes, pour s’arrêter en 1976 avant de reprendre sa route cinq ans plus tard en formation élargie et d’enregistrer l’album Jean-Paul Prat - Masal. À cette époque, le groupe assurait les premières parties des concerts de Gong, Magma ou Soft Machine avant de connaître un nouveau et long temps d’arrêt à compter de 1986. Et c’est en 2009, toujours sous l’impulsion de Jean-Paul Prat mais aussi de son fils Jean qui en devenait le batteur, qu’il fera un retour en quintet avec un deuxième album, Galgal. Puis ce seront Viens des quatre vents en 2014, Paysages du ciel en 2017 (enregistré en grande formation avec les cordes du Budapest Symphony Orchestra). En 2022, Masal publiait Ahora et c’est à la fin de l’année dernière qu’est arrivé Siempre, son sixième rendez-vous discographique.

Masal évolue dans un univers qu’on qualifiera de « rock prospectif », pour reprendre le terme employé par Aymeric Leroy, référence en matière de « rock progressif ». Jean-Paul Prat cultive l’héritage des groupes cités précédemment, mais aussi de toutes formes de musiques ouvertes à des influences multiples, jusqu’aux compositeurs du début du XXe siècle. Sa musique est dansante, entêtante, habitée d’une pulsion qui peut aussi renvoyer à Béla Bartók. On y retrouve de nombreux points communs avec les esthétiques de formations telles qu’Univers Zéro ou Présent, sous des couleurs plus lumineuses. On est au cœur d’un tourbillon festif et toujours en mouvement, propice à l’instauration de moments plus apaisés.

Ce nouveau disque est l’occasion de retrouver le leader en bonne compagnie, celle de ses fils Jean et Emmanuel bien sûr, mais aussi de Philippe Bussonnet (bassiste de Magma pendant 25 ans) ou du guitariste Baptiste Ferrandis (découvert au sein du groupe Sarab), ou encore du saxophoniste clarinettiste belge Toine Thys. Surtout, Siempre s’avère le plus accompli de tous les albums de Masal, en raison de la maîtrise de son écriture et de la diversité des paysages qu’il traverse : propulsant sa musique à grande vitesse dans une course folle (« TGV pour Paradis »), passant en force dans un climat très Zeuhl (« Feu ! »), il peut aussi s’arrêter et prendre le temps de longues contemplations aux couleurs impressionnistes (« Isami », « Des flots d’eau vive ») ou vous entraîner dans une farandole (« Danse de l’eau »). Avant, peut-être, de susciter l’étonnement à l’écoute d’une « Marseillaise » aux couleurs nocturnes d’un blues soufflé par le bugle d’Olivier Bodson. De quoi espérer que Masal ne nous fasse pas attendre trop longtemps avant d’entamer son prochain voyage.

par Denis Desassis // Publié le 11 mai 2025
P.-S. :

Jean-Paul Prat (p, kb), Jean Prat (d, perc, xyl), Vincent Brizoux (sax), Philippe Bussonnet (elb), Norbert Galo (g), Emmanuel Prat (kb), Baptiste Ferrandis (g), Olivier Bodson (tp, flh), Antoine Colin (tp), Jan Edgermont (sax), Marc Godfroid (tb), Toine Thys (clb), Eva Debruyne (ob), Yann Lecollaire (cl), Stefan Bracaval (fl), Paul Hanson (bsn).