Chronique

Majid Bekkas

Magic Spirit Quartet

Majib Bekkas (guembri, oud, guit, voc), Goran Kajfeš (tp, perc), Jesper Nordenström (p, elp), Stefan Pasborg (dm, perc)

Label / Distribution : ACT

Dans la famille des basses, je voudrais… le guembri ! Utilisé depuis des temps immémoriaux du nord au sud du Sahara, cet assemblage de bois de peuplier et de peau de dromadaire ou de chèvre (pour la caisse de résonance), et de trois cordes (en cuir, dans la tradition) montées sur un manche, bien souvent un manche à balai (c’est un instrument de descendants d’esclaves), déploie sous les doigts du mâalem Majid Bekkas toute la résilience des musiques gnawas. Les fréquences organiques de cet objet d’art populaire sont autant de vecteurs des revendications de dignité des peuples soumis à l’esclavage par le royaume chérifien (entre autres). Accouplées (oui, accouplées) à la voix, elles produisent une sorte de râle harmonique et rythmique pouvant confiner à une sorte de petite mort. Une jouissance émancipatrice.

De Bekkas, on se rappelle le trio « Out of the Desert » avec Joachim Kühn et Ramón López, il y a une dizaine d’années. Il semblait s’être plus ou moins éclipsé des radars européens. C’est par le Nord qu’il revient sur le continent. Ici, il conjugue sa maestria instrumentale avec, entre autres, la sensualité de la trompette de Goran Kajfeš, leader du groupe suédois Oddjob. Le quartet conduit par le Marocain convoque les codes de la lilah gnawa (cette nuit de transe rituelle aux vertus présumées thérapeutiques), avec ces introductions psalmodiques, appuyées par un chant incantatoire, suivies de paliers aux intensités rythmiques de plus en plus denses. Il les assemble avec des inclinations rock qui peuvent lorgner vers le métal, en dignes enfants de Bilal et de Thor, voire avec des passages pré-électro faits de subtils assemblages du Moog avec le guembri et le oud, dont le leader est aussi un virtuose. La construction des morceaux est d’une pertinence sans faille, déroulant des ambiances bigarrées qui convoquent les cieux sahariens et les mers nordiques. Le pianiste claviériste sait déployer des trésors de subtilité, ainsi que le batteur, dont la puissance n’obère pas la délicatesse. Comme si le haschisch était soluble dans l’aquavit. Et inversement…