Scènes

Marteaux et anches libres au Pannonica

Une soirée à la découverte de l’improvisation, voilà ce que proposait le Pannonica en ce 27 février 2009, avec pour guides Pascal Contet et Andy Emler.


Le Pannonica proposait, en ce 27 février 2009, de partir à la découverte de l’improvisation et des principes qui la nourrissent. Pour cela, la soirée se divisait en une première partie autour de Pascal Contet et du collectif des Hanches Libres et des petits jeux d’improvisation, et une seconde avec le même Pascal Contet, cette fois en duo avec Andy Emler.

Durant toute la semaine, Pascal Contet a animé un stage en compagnie de trois musiciennes membres du collectif des Hanches Libres, avec pour objectif de travailler l’improvisation. Cette soirée met en application cet apprentissage à travers quelques principes fondateurs du genre : la mémoire, l’écoute, l’interaction… Contet joue les maîtres de cérémonie, expliquant au public [1] les règles des exercices qu’il va proposer au trio (deux accordéonistes et une violoncelliste). Pour chaque jeu, le public tire au sort la forme du morceau (ABA, par exemple), la composition du groupe (solo, duo, trio), les noms des musiciennes, une durée, un thème. On va donc assister à quatre exercices allant du solo au trio, durant lesquels les trois artistes vont nous faire voyager tout en démontrant l’aspect ludique de la chose. Utilisation de l’instrument sous toutes ses coutures : chant, interaction, tension, relâchement, mémoire — tout y passe. Il y a bien quelques tâtonnements, quelques impasses et un peu de stress, mais quel bonheur de se lancer… Belle entrée en matière que cette introduction à l’improvisation.

Collectif les Hanches Libres © Mathieu Bouyer

La seconde partie présente deux grands improvisateurs à l’œuvre : Pascal Contet passe à l’accordéon, et convie à ses côtés Andy Emler au piano. Anches libres et marteaux, association des plus originales, pour un duo. Tous deux se connaissent bien, ils ont même enregistré un disque ensemble [2]. Le fait de bien connaître son partenaire influe-t-il sur l’improvisation ? Certes mais dans quelle mesure ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que ces deux musiciens sont passés maîtres dans cet art. La présence du chien de Pascal Contet sur scène fournit la matière de leur première inspiration. Emler déclare que ce sera une chanson pour un chien. Une main sur le clavier, une autre dans les cordes, il se lance. Mais il n’est pas seul, les ultra-graves de l’accordéon posent les fondations où prendra appui son imagination. La musique se fait liquide, le piano devient une mare aux reflets impressionnistes. Les notes tenues de l’accordéon ouvrent des perspectives nocturnes, le paysage sonore évolue, tout en résonances diffuses. La seconde impro pourrait avoir pour thèmes l’humour, la surprise et la mémoire : Emler démontre une culture très étendue ; ses doigts et ses pensées passent du stride à Piaf et ressuscitent les « Amants de Saint-Jean », ce qui amuse beaucoup Contet. Celui-ci répond par une valse musette qui se termine en tango. C’est alors que James Bond fait une courte apparition, avant que la musique s’envole vers d’autres cieux, beaucoup plus jazz. La facilité avec laquelle chacun surprend l’autre, encore et toujours, est stupéfiante. Toute nouvelle idée – et quel festival ! - est accueillie avec une certaine jouissance de la part des musiciens, qui prennent un malin plaisir à les déformer, les détourner pour mieux y revenir. La mémoire, toujours la mémoire…

Pascal Contet & Andy Emler © Mathieu Bouyer

Chez ces deux-là l’humour est une constante, mais la poésie et le lyrisme ne sont pas en reste. Et comment ne pas être ébahi par Andy Emler : son univers englobe aussi bien le romantisme que Cecil Taylor, toutes sortes influences nourrissent son imagination fertile, servie par une technique ébouriffante mais jamais gratuite. La complicité qui lie les deux musiciens et la sonorité magnifique de Contet font le reste, et aboutissent à un grand moment de musique improvisée.

par Julien Gros-Burdet // Publié le 27 avril 2009

[1Il est d’ailleurs intéressant de noter que le Pannonica renouvelle l’expérience consistant à accueillir des classes de collégiens venues découvrir le monde du jazz et de la musique improvisée.

[2Bouts de souffles, In Circum Girum (2003).