Chronique

Marthe Lea Band

Asura

Marthe Lea (ts, fl, p, g, voc, udungu, perc), Andreas Hoem Røysum (cl, bcl, voc, perc), Hans P. Kjorstad (vln, fl, voc, perc), Egil Kalman (b, synth, voc), Hans Hulbækmo (dm, perc, voc)

Label / Distribution : Motvind Records

Asura est le premier album en leader de la jeune saxophoniste, clarinettiste et multi- instrumentiste norvégienne Marthe Lea. Elle y est entourée de musiciens fidèles : le clarinettiste Andreas Hoem Røysum et le violoniste Hans P. Kjorstad (deux musiciens avec qui Marthe joue dans l’Ensemble du clarinettiste), le contrebassiste Egil Kalman [1] et le batteur Hans Hulbækmo [2] qui partagent une même passion pour l’improvisation, les musiques folkloriques et l’hybridation.

Marthe Lea a composé toute la musique de l’album. Celle-ci est d’une grande douceur et d’une élégance folle. Elle est aussi authentique et singulière, sincère et naturelle, et bien des choses encore. Elle parle au cœur et aux esprits. Elle flotte, vous enveloppe et s’immisce au plus profond de vous, invitant le corps à la transe. C’est que Marthe Lea vient des musiques traditionnelles où la danse et le chant ne sont jamais bien loin. Ses compositions sont imprégnées de ce lyrisme et de cette spontanéité qu’elle transporte depuis sa tendre enfance. Les mélodies sont simples et limpides, mais toujours d’une grande beauté. Sur chaque composition, elle aménage l’espace et le temps avec un sens de la dramaturgie confondant.

Le violon est omniprésent, jouant souvent à l’unisson des soufflants mais pouvant à l’occasion s’en émanciper dans de stridentes interjections. La diversité et l’utilisation souvent conjointe de plusieurs instruments à vent (saxophone ténor, flûtes, clarinette, clarinette basse) permettent de jouer sur les timbres, de mélanger les couleurs et d’installer des climats différents à l’intérieur d’un même morceau - comme d’ailleurs l’utilisation parcimonieuse de la guitare ou du piano par la saxophoniste. Quant au duo contrebasse/batterie, il constitue l’assise de cette musique, il installe une transe têtue (que doublent avec beaucoup de justesse les percussions des autres musiciens), qui emprunte autant aux musiques gnawa qu’au folklore traditionnel des musiques du nord de l’Europe, et nous tient constamment en haleine. Le tout est régulièrement agité de ponctuations free bien senties qui hérissent le propos sans le dévoyer.

Et c’est sans doute cela le plus épatant dans la musique de Marthe Lea : cette capacité à faire tenir ensemble des idiomes disparates, à mélanger tout un tas d’influences (qu’elles soient musicales ou pas, d’ailleurs) dans le creuset de sa propre personnalité, de sa propre histoire, pour en faire jaillir un grand tout personnel et hors norme, une musique fraîche et singulière qui n’appartient qu’à elle-même.

par Julien Aunos // Publié le 4 septembre 2022
P.-S. :

[1Andreas Hoem Røysum, Hans P. Kjorstad et Egil Kalman forment également un trio baptisé Miman.

[2Batteur d’Hanna Paulsberg et du groupe Skadedyr.