Entretien

Marthe Lea, douceur fauve

La saxophoniste norvégienne se taille peu à peu la part du lion sur les scènes scandinave et européenne avec une infinie douceur.
Norwegian saxophonist is gradually gaining the lion’s share of the Scandinavian and European scene with infinite sweetness.

Marthe Lea © Sunniva Ihlhaug

Interviewer Marthe Lea, c’est se rapprocher de quelque chose de sauvage, évoquer une musique libérée de tout calcul, qui naît d’une clarté presque zen et n’est influencée par aucune mode ou aucune tendance. Pourtant, la musique créée et jouée par cette jeune saxophoniste norvégienne est à la fois dotée de naïveté et de mille références. Apparue sur scène aux côté de Paal Nilssen-Love et Andreas Røysum, elle a publié le disque Bayou en trio avec Ayumi Tanaka et Thomas Strønen, ainsi qu’Asura, un nom qui renvoie à la mythologie hindoue, avec son propre groupe composé de multi-instrumentistes leaders de cette nouvelle génération sans frontière ni patrie, qui rattache l’improvisation à ses racines folkloriques les plus larges, quitte à toucher la marge. Une rencontre pleine de douceur : qui s’en priverait ?


To interview Marthe Lea is to get closer to something wild, to a music freed from any calculation. As if born from a Zen clarity. Something which does not come from fashion or trend. Yet the music created and played by this young and gifted Norwegian saxophonist is endowed with both naivety and a thousand references. She published Bayou last year and Asura, a reference to Hindu mythology, with her own band made up of witty other multi-instrumentalists, leaders of this new generation who has no borders or homeland, who links improvisation to its broadest folk roots even if it means touching the margin. A meeting full of sweetness. Who would say no ?

Texte français

- Marthe Lea, vous êtes saxophoniste et clarinettiste mais en réalité multi-instrumentiste et chanteuse. Comment vous, vous présentez-vous ?

Je commence généralement par mon nom et si on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds que je suis musicienne. La plupart des gens veulent savoir ce que je joue, alors pour faire simple, je dis saxophoniste. Sinon la liste va être longue ! Il y a tant d’instruments passionnants à jouer, mais je ne dirais pas que je suis une « iste » sur tous ces instruments. J’apprécie juste leurs différentes sensations, leurs saveurs. Pour moi, jouer de la musique, c’est jouer ce que j’ai à l’intérieur, et cela peut sortir de différentes manières.

Marthe Lea © Sunniva Ihlhaug 2

- Qu’est-ce qui vous a poussée à devenir musicienne ?

J’ai grandi en jouant dans des fanfares. J’aimais aussi jouer des mélodies que je chantais. J’aimais l’écriture, le dessin et la peinture, il n’y avait pas que la musique. C’est au moment d’entrer au lycée que la musique m’a semblé la voie la plus évidente à suivre. J’étais fan de Jan Garbarek et j’essayais de jouer tous ses morceaux. Quand j’y repense, c’est fou à quel point j’étais hypnotisée, cette musique était tout pour moi. J’ai particulièrement aimé les albums « Tryptikon », « Esoteric Circle » et les enregistrements avec Keith Jarrett.

A partir de là, j’ai fait des choses différentes. Grâce à des musiciens que j’ai rencontrés et une envie fondamentale de jouer. Je me suis toujours sentie accueillie dans les musiques jazz, même au début quand tout était nouveau pour moi. Un cours de jazz dans une petite ville du sud de la Norvège, Søgne, a également eu une grande influence. J’y ai rencontré des musiciens comme Mats Eilertsen et Fredrik Ljungkvist, qui m’ont inspirée. Je garde de ces années le souvenir d’un plaisir permanent. J’étais entourée de musique et de gens cool. Comme aujourd’hui !

« Quand j’y repense, c’est fou à quel point j’étais hypnotisée, cette musique était tout pour moi ! »


Marthe Lea Band at Mandal Jazz 2022 © Malwina Witkowska / No Earplugs

- « Asura » est votre premier album en leader. Parlez-nous de ce projet.

Il m’est venu très spontanément. Jusqu’à son enregistrement, nous improvisions. Mais juste avant, plusieurs morceaux me sont venus à l’esprit, certains nouveaux et d’autres que j’avais joués seule. J’ai donc partagé ces idées et mon groupe me comprend si bien que la musique a même dépassé ce que j’avais en tête !

Tous les membres de mon groupe ont une place très spéciale dans mon cœur, pas seulement en tant que musiciens, mais aussi en tant qu’amis et humains. Je n’aurais pas pu rêver d’un meilleur groupe d’individus avec qui jouer : je suis épatée par la richesse que cela m’apporte.

- Vous avez une écriture très ouverte, influencée par les musiques folk et traditionnelles du monde et en même temps vous empruntez également aux musiques free, à l’improvisation libre. Comment marier ces deux langages ?

Tout d’abord, il me faut dire que je n’écris jamais de musique. Les mélodies me viennent en tête, vivent leur propre vie pendant un moment. Ensuite, je les joue à mes musiciens.
Je suppose que le fait d’avoir écouté beaucoup de musique folk et d’improvisation libre a nourri mon jeu. Je n’associe pas deux langages consciemment : ils font déjà partie de ma langue avec tout ce que j’ai écouté et vécu.

Tous les membres du groupe aiment les musiques folkloriques des quatre coins du monde, donc je suppose que c’est notre point de rencontre naturel. Le violoniste Hans et le batteur (Hans aussi) ont tous deux joué, très jeunes, de la musique folklorique norvégienne et Egil et moi, nous avons également baigné dans cette tradition.

Nous avons lu que vous aviez troqué votre ténor neuf pour un autre fabriqué en 1956. Votre saxophoniste préféré, il me semble, c’est Dewey Redman. Quel est votre rapport au saxophone ?

Oui, je joue sur un Selmer Mark VI de 1956. J’ai passé quelques jours à essayer différents saxophones dans un magasin vintage au Royaume-Uni. Celui que je voulais, c’était le vieux ténor de Joe Henderson. J’ai déchanté quand j’ai découvert son prix. Mais quelques heures avant que je ne rentre chez moi, un autre saxophone a été livré au magasin ; son propriétaire précédent venait de mourir… et il sonnait tout aussi bien que celui d’Henderson. J’ai eu de la chance. J’adore le saxophone, cela me donne une sensation particulière. C’est l’instrument que j’ai le plus pratiqué, ce qui en fait l’instrument sur lequel j’ai accumulé le plus de technique, mais je me sens bien avec beaucoup d’autres instruments, et peut-être surtout avec le chant.

Et oui, Dewey Redman est une grande inspiration. Je trouve son jeu brut ; brut et beau. Son son me semble venir de la terre et pour je ne sais quelle raison, j’ai l’impression de jouer moi-même du saxophone quand je l’écoute. Je reconnais et ressens les différentes textures qu’il crée.

« Emmener les chansons folkloriques norvégiennes le plus loin possible, dans de nouvelles constellations. »


- Et quelle est l’importance de la voix et du chant pour vous ?

J’ai toujours fredonné. Chanter, c’est la chose la plus naturelle qui soit. Je pense que ce qui m’a poussée à chanter pour d’autres personnes, c’est quand je me suis intéressé à la musique classique indienne. C’est à ce moment-là que j’ai démarré les études à l’Académie de musique. J’ai décidé de prendre des cours avec une chanteuse du sud de l’Inde. Je n’avais aucun projet précis, je voulais juste en savoir plus sur cette musique. Elle est tellement « chantante ». Je me souviens être assise auprès de ma professeure, à imiter son beau chant. Elle m’a emmené avec elle dans des temples et des événements près d’Oslo où nous avons chanté ensemble. J’ai aussi chanté seule. Très surréaliste, mais amusant. Puis j’ai fait des voyages plus longs en Inde et j’y ai rencontré des musiciens. Mais bien avant cela, j’avais découvert la musique folklorique norvégienne, grâce à Jan Garbarek. Après avoir écouté de vieux enregistrements de chansons folkloriques et tenté de les reproduire, au cours d’une de mes années à l’académie, j’ai pris les cours de chant avec la chanteuse folk Unni Løvlid et depuis lors, j’ai emmené les chansons folkloriques norvégiennes le plus loin possible, dans de nouvelles constellations.

Marthe Lea © Sunniva Ihlhaug 1

- Parlez-nous de votre rencontre avec le clarinettiste Andreas Røysum. Vous jouez dans son ensemble, il constitue un élément central de votre groupe. Serait-ce votre jumeau musical ?

Je ne dirais pas que c’est un jumeau, plutôt un ami musical très proche. C’est de loin la personne avec qui j’ai écouté le plus de musique. Nous avons passé de nombreuses soirées à écouter disque après disque et une bonne partie de la musique que j’écoute aujourd’hui sont des choses qu’il m’a fait découvrir. C’est un élément central de mon groupe. Enfin, cela vaut pour tous les membres !

Les rythmiques, soutenues parfois jusqu’à la transe, portent l’influence des musiques du monde (Gnaoua, Balkans) mais également des rythmes traditionnels des pays du Nord de l’Europe, peut-être même plus que de la musique populaire norvégienne. Finalement de quel « peuple » (folk) est-il question dans votre musique, où sont vos racines ?

Le rythme peut nous transporter dans différents états de conscience, comme une transe comme vous dites. Il y a quelques années je suis allée au Maroc pour jouer de la musique traditionnelle gnaoua, et c’est devenu évident. Dans la tradition gnaoua, il y a 7 couleurs - ou étapes - différentes dans la musique, à travers lesquelles l’énergie se construit. Les musiciens et les auditeurs peuvent passer par de nombreux états de conscience au cours de la session. Cette musique a été créée exclusivement pour des cérémonies et elles ont ou avaient pour but de modifier l’état intérieur de ceux qui l’écoutent et la vivent. Pour moi, c’est là qu’est le cœur de la musique.

Quant à mes racines musicales, je pourrais dire que ce sont les fanfares, parce que c’est la musique avec laquelle j’ai grandi. D’après mon expérience, il y a des choses qui nous touchent et d’autres qui ne nous touchent pas. Dès que j’ai pu jouer de la clarinette quand j’étais enfant, j’ai été touchée. Encore plus jeune, essayer le piano m’a aussi bouleversée. Un moment parfait : le temps s’est arrêté. Je pense que mes racines sont cet espace ouvert où naît la créativité.

Qu’est-ce qui fait l’ADN de la scène jazz norvégienne actuelle, selon vous ?

Nous avons le privilège de vivre dans un pays à l’économie stable, où l’éducation culturelle est une évidence. L’étude de la musique, à mon avis, va de soi car elle est justement pratique. Vous avez du temps pour pratiquer et jouer avec d’autres étudiants. Vous avez la possibilité d’approfondir les choses et de travailler à votre rythme, ce qui est la base de la création. Il me semble que beaucoup de musiciens norvégiens se spécialisent vite, ont la possibilité de développer leur propre son, leur personnalité, leur truc à eux, très tôt. Je pense aussi que l’originalité est contagieuse et que des musiciens comme Jan Garbarek, Jon Christensen, Arild Andersen, Karin Krog, Radka Toneff et Terje Rypdal ont été des exemples très forts pour nous tous.

Ce que l’on ressent dans votre musique, c’est une spontanéité, un amour d’un son et d’une forme brute. Pouvez-vous nous en parler ?

Merci, vous venez exactement de me décrire, ça me fait plaisir que vous ressentiez la musique de cette façon. Oui, c’est la spontanéité qui prime. Donc ma prioritéa été de découvrir ce qui me contraignait en général. J’adore le son, c’est tellement mystérieux et puissant ! Et la forme brute rend la musique vivante. Je peux être stupéfaite par des compositions complexes et des musiciens techniquement impressionnants, mais la seule chose que je recherche vraiment, c’est la sincérité ! ça peut être un enfant qui chante tout comme un grand musicien qui joue ou chante avec son cœur.

« L’originalité est contagieuse (…) Ce que je recherche vraiment, c’est la sincérité ! ça peut être un enfant qui chante tout comme un grand musicien qui joue. »


Marthe Lea Band at Mandaljazz 2022 © Malwina Witkowska / No Earplugs

En 2021, vous avez enregistré Bayou, un album en trio avec Ayumi Tanaka et Thomas Stronen, sur le prestigieux label ECM, à l’esthétisme plus léché, moins spontané - comme on le sait lorsque qu’on connaît le son des productions de Manfred Eicher. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

Je revenais toute juste d’une retraite méditative en arrivant en studio, donc je me souviens que j’étais très heureuse pendant notre séjour à Lugano. L’enregistrement est allé vite, nous l’avons fini en une journée. Je n’avais jamais travaillé avec un producteur auparavant, mais j’ai trouvé Manfred passionné et gentil. C’était l’été et moi, Thomas et Ayumi nous sommes bien baignés juste après. De très bons souvenirs !

English text

Marthe Lea you are mostly presented as a tenor saxophonist and clarinetist, but you are in fact a multi-instrumentalist and singer. How do you introduce yourself ?

I usually just start with my name, and if I’m asked what I do for living, I say that I’m a musician. But most people want to know what you play. If I feel like keeping it simple I just say saxophone. If not the list could get long ! I find so many instruments rewarding to play, but I wouldn’t say I’m a « ist » on all those instruments. I just enjoy their different feels and flavors. Playing music to me is like playing what is inside, and that can come out in very many different ways.

Marthe Lea © Sunniva Ihlhaug 2

What made you decide to become a musician ?

I grew up playing in marching bands and enjoyed that a lot. I also liked to play melodies I knew how to sing. I had some other interests, such as writing, drawing, and painting and I can’t remember thinking that music was the only thing for me. But when I was about to start high school, music seemed most tempting to study. I was a big fan of Jan Garbarek at the time and tried to play all his tunes. When I look back at it I find it crazy how mesmerized I was, that music was just everything. I especially loved albums like Tryptikon, Esoteric Circle and the recordings with Keith Jarrett.

From there it was different music discoveries, musicians I met and a fundamental yearn to play that made me stay with it. I always felt very welcome in the jazz environment, even in the beginning when jazz was new to me. A jazz course in a small town of southern Norway, called Søgne, also had a great influence. There I met musicians like Mats Eilertsen and Fredrik Ljungkvist, who inspired me a lot. I remember those years as a constant kick. I felt surrounded by music and nice people. Like now !

« When I look back at it I find it crazy how mesmerized I was, that music was just everything »


Marthe Lea Band at Mandal Jazz 2022 © Malwina Witkowska / No Earplugs

“Asura” is your first album as a leader. Tell us about it.

The album happened very spontaneously. Up until this recording we had mostly played fully improvised music. But just before we met up to record, different tunes came to mind, some new and some that I had been playing by myself during the last years. So I brought with me these tunes and ideas and since my band understands me so well, the music became everything I had in mind and more.

All the members of my band have a very special place in my heart, not just as musicians, but also as friends and humans. I could not have asked for a better group of people to play with and I am continuously stunned by how expanding it is to play with them.

Your writing is very open, influenced by folk and traditional musics from around the world, and at the same time you also borrow from free music, from free improvisation. How to combine these two languages ?

I should mention that I never write music. The melodies appear in my head and live their own life for a while. Then I teach it to my fellow musicians by playing it to them. I guess the fact that I’ve listened to a lot of folk music and free improvisation is the reason why the music I play is influenced by it. I don’t feel like I have to do something to combine the two, they are both already part of my language along with everything else I’ve listened to and experienced.

Everyone in the band enjoys listening to folk traditions from all corners of the world, so I guess that’s a natural meeting point for us. Both fiddler Hans and drummer Hans grew up with Norwegian folk music and Egil and I have also been very into playing music from the same tradition.

We read that you swapped a new tenor for a tenor that was made in 1956. One of your favorite saxophone player is Dewey Redman. What is your relationship to the saxophone ?

Yes, I play a Selmer Mark VI from 56. I spent some days trying out different saxophones in a vintage store in the UK. The one I wanted was Joe Henderson’s old tenor and I was in misery when I found out how expensive it was. But a few hours before I was going back home another one came in, from a man who had died… Just as good as Joe Henderson’s. Luckily.

I love playing the saxophone, it gives me a special feeling. It’s the instrument that I have practiced the most, which makes it the instrument where I have gathered the greatest technical know-how. But I feel as close to many other instruments, maybe mostly singing.

And yes, Dewey Redman is a big inspiration. I find his playing raw, unpolished and beautiful. His tone sounds like it’s dug straight up from the earth and for some reason I feel like I’m playing the saxophone when I listen to him. Like I recognize the feeling of the different textures he creates.

« I listened to old recordings of folk songs and tried to imitate that (…) I took singing lessons and have since then brought Norwegian folk songs into different constellations. »


And what is your relationship to voice and singing ?

I’ve always been humming, and it feels natural to sing. I think what got me started singing to other people was when I got really interested in classical Indian music. This was when I started at the Norwegian Academy of Music. I decided to take classes with a south indian singer. I had no plan with it, but I just had to learn more about this music and singing seemed like a good idea since the music is so « singing ». I really enjoyed sitting with my teacher and imitating the beautiful lines that she sang. She took me with her to temples and events near Oslo where we sang together, or I sang alone. It was very surreal, but also very fun. I started taking longer trips to India and met a lot of musicians there. But long before this I had gotten into Norwegian folk music, through Jan Garbarek’s music. I listened to old recordings of folk songs and tried to imitate that as well. During one of my years at the academy I took singing lessons with folk singer Unni Løvlid and have since then brought Norwegian folk songs into different constellations.

Marthe Lea © Sunniva Ihlhaug 1

Tell us about clarinetist Andreas Røysum. You play in his Ensemble, he is a central element of your group (in both cases we also find violinist Hans P. Kjorstad). Is he like a musical twin ?

I would’t say he’s a twin, more of a close musical friend. He is by far the one person that I’ve listened to the most music with. We have spent many evenings listening to record after record and a good part of the music that I listen to today are things he has shown me. He is a central element in my group, which goes for all the members !

The rhythms, sometimes reaching a trance, carry the influence of music from all over the world (gnaoua, balkans) but also traditional rhythms of northern europeans countries, perhaps even more than the traditional norwegian music. Finally, which “people” are talking about, where are your roots ?

Rhythm has the potential of carrying us into different states of consciousness, like a trance as you say. When I was in Morocco playing traditional Gnawa some years back this was particularly apparent. In the Gnawa tradition there are 7 different colors, or stages, in the music, where the energy builds and builds. Both the musicians and the listener can go through many different states of consciousness during the session. This music was produced exclusively for ceremonies that had the purpose of altering ones internal. To me that is the core of music.

When it comes to musical roots I guess I could say it’s marching bands, because that’s the music that I grew up playing. In my experience there are some things that touch us and some things that don’t. Something about starting to play the clarinet as a kid, touched me. At an even younger age, trying out the piano, also touched me. It felt just right and time stopped. So I think my roots are just that open space, where creativity comes from.

What do you think makes the DNA of the current Norwegian jazz scene ?

We have the privilege of living in a country with stable economics, where education is a matter of course. I think studying music is a special thing because it is so practical. You have so much time to practice and play with fellow students and other musicians. You really have the opportunity to go deeply into things and work in your own pace, which is quite optimal for any creative work. It seems to me like a lot of Norwegian musicians have specialized in their own thing. Of course this happens not only here. I also think originality is contagious, and that musicians like Jan Garbarek, Jon Christensen, Arild Andersen, Karin Krog, Radka Toneff and Terje Rypdal had a ripple effect on the rest of us.

What we feel in your music is a spontaneity, a love of sound and raw form. Can you tell us about it ?

I feel like you just described me, so I’m happy you experience the music in that way. When I don’t feel constricted, I feel spontaneous. So an important thing in my life has been finding out what constricts me and then adjust. I love sound, it’s so mysterious and powerful ! And raw form makes music feel alive. I can be stunned by complex compositions and technically impressive musicians, but the only thing I really seek is heartfelt music. It can be as simple as a child singing, but it can also be a great musician that plays or sings from the heart.

Marthe Lea Band at Mandaljazz 2022 © Malwina Witkowska / No Earplugs

« I think originality is contagious (…) The only thing I really seek is heartfelt music. It can be as simple as a child singing, but it can also be a great musician playing. »


In 2021, you recorded Bayou, a trio album with Ayumi Tanaka and Thomas Stronen, on the prestigious ECM label, with a more refined aesthetic - for who knows the sound of Manfred Eicher’s productions - can you tell us about this experience ?

I came right from a meditation retreat to that recording so I remember that I was quite blissed out during our stay in Lugano. The recording went very fast, I think we were done in a day. I had never worked with a producer before, but I found Manfred very passionate and kind. It was summer and me, Thomas and Ayumi had some good swims. Good memories !

par Anne Yven , Julien Aunos // Publié le 4 septembre 2022
P.-S. :

Les photos signées Malwina Witkowska sont des photos argentiques prises cet été 2022 à l’occasion d’un concert du Marthe Lea Band.
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The photos signed Malwina Witkowska are reproductions of analog-photos taken this summer 2022 during the Marthe Lea Band concert.