Mary Halvorson & Robbie Lee
Seed Triangular
Mary Halvorson (diverses guitares ou banjos), Robbie Lee (fl, reeds, mel)
Label / Distribution : New Amsterdam Records
Jouer de la musique créative et contemporaine sur des instruments baroques est, de ce côté-ci de l’Atlantique, une pratique de plus en plus courante. Voici bientôt 50 ans que les théorbes et flûtes, serpents ou cornets ont retrouvé droit de cité et quelques années qu’ils conquièrent de nouvelles musiques. Ce ne sont pas David Chevallier ou Michel Godard qui diront le contraire. En revanche de l’autre côté de l’Atlantique, la chose garde encore une aura de mystère et d’inconnu. Lorsqu’on écoute « Seven of Strong », sur l’album Seed Triangular qui réunit Mary Halvorson et Robbie Lee, on découvre un chalumeau et une harp guitar qui s’aventurent ensemble sur des chemins inédits, faisant fi parfois des usages communs ; double expérimentation, celle de l’improvisation duale, et de l’instrument. Ce tâtonnement crée une atmosphère étrange et immédiatement séduisante. Perdre, en même temps que les musiciens, tout repère connu.
Quoique. Qu’elle joue sur sa Guild Artist Award archtop habituelle, ou sur ces instruments anciens ou inusités comme ce banjo à 6 cordes de 1888 qu’elle utilise sur « Rock Flowers », en même temps que Robbie Lee s’empare d’un saxophone soprillo, genre de sopranino miniature au cri perçant, on reconnaît sans hésitation la patte d’Halvorson. Sa manière exceptionnelle de naviguer entre les cordes et de leur intimer un langage est unique. Cette rencontre avec Robbie Lee fait partie des chemins de traverse qui nourrissent la guitariste et lui offre de nouvelles lectures, de la matière supplémentaire. Si le muti-instrumentiste n’est guère connu ici, il est une figure new-yorkaise des musiques improvisées. On avait notamment pu l’entendre parmi les invités de Talibam !, le groupe de Kevin Shea, en compagnie de John Irabagon ou Ed Bear. Avide collectionneur, Lee a offert ses cordes à Halvorson. Seed Triangular, à l’image de « Shoots have Shot » où l’on serpente sur des timbres inconnus qui font penser à un Orient imaginaire, est un album où le lâcher-prise est nécessaire.
L’écueil aurait pu être la volonté de démonstration, une vaine recherche de virtuosité ou un côté cabinet de curiosités. S’il y a, indéniablement, un plaisir enfantin chez Lee de jouer avec tous ses tuyaux aux tonalités exotiques, c’est davantage un décor qu’un sujet. Ce qui est important ici c’est la recherche assoiffée du son, comme d’une syntaxe intérieure quel que soit l’agrès, tout en restant conscient de l’histoire des objets. Au milieu de tous ces morceaux courts et de la réplique très attentive de Lee, « Fireproof-Brick-Dust » est un beau concentré où tout le langage de la guitariste se focalise dans un banjo quelques octaves en dessous de sa voix habituelle. Une jolie aventure.