Chronique

Die Like a Dog Quartet

Fragments of Music, Life and Death of Albert Ayler

Peter Brötzmann (as, ts, tarogató), Toshinori Kondo (tp, elec), William Parker (b), Hamid Drake (d)

Label / Distribution : Cien Fuegos

C’est un peu une surprise, mais on ne se lasse pas des surprises. Quelques mois après la disparition de Peter Brötzmann, le vieux chêne continue à faire parler de lui ; ici avec le quartet Die Like a Dog, c’est une replongée dans sa musique des années 90 dans ce qu’elles ont de plus brillantes, de plus incandescentes. Fragments of Music, Life and Death of Albert Ayler n’est pas une nouveauté, mais une réimpression des plus urgentes, tant les échanges entre Brötzmann et et le trompettiste Toshinori Kondo, disparu, lui, pendant le pic de l’épidémie de COVID, est d’une brûlante actualité. Réentendre Kondo au cœur d’une des plus brillantes paires rythmiques (William Parker, Hamid Drake) est un plaisir de l’instant. Le growl puissant et pugnace du morceau d’ouverture, vingt minutes de colères et d’étreintes, en est l’emblème. Au mitan de ce morceau, Parker demande quelques minutes de silence pour perpétuer le charme à l’archet : la magie d’un free jazz plein d’amour et d’espoir. La lumière d’Ayler.

Die Like a Dog, directement né de la musique d’Ayler et qui lui rend hommage, ça ne pouvait être qu’un feu d’artifice, et c’est ce que nous offrait en 1993 le label FMP. Cien Fuegos nous en apporte une ressortie luxueuse qui nous permet de réentendre cette version chorale et venue du fond de l’âme de « St James Infirmary » avec les cris déchirants de Brötzmann et la soudaine ligne claire de Kondo sous les marches imprimées d’Hamid Drake. C’est un blues originel qui renaît sous les fièvres de ces affranchis du jazz. Un envoûtement toujours recommencé.

Pour beaucoup de jeunes gens des nineties, Die Like a Dog est plus qu’un souvenir, une clé d’entrée. En 1996, Kondo, légende de l’archipel nippon, enregistrait avec DJ Krush un Ki-Oku fondateur qui aura précipité bon nombre dans le free jazz. Il est heureux de constater que trente ans après, si les beats synthétiques peuvent avoir pris un coup de vieux, la rage séminale et les cris du quartet de Brötzmann et Kondo semblent tout frais sortis du dernier orage. Un vrai remède anti-âge.

par Franpi Barriaux // Publié le 20 octobre 2024
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