Chronique

Matthew Shipp

Equilibrium

Matthew Shipp (p), Khan Jamal (vib), William Parker (b), Gerald Cleaver (d), FLAM (kb, programmation)

Label / Distribution : Thirsty Ear

Le raccourci descriptif (publicitaire ?) de la Blue Series est « free jazz meets electronica », ce qui n’est pas du tout, ou alors très peu, le cas de cet album. Ici, l’appréciation de Shipp lui-même est plus juste : une juxtaposition de jazz moderne, ambiant jazz et DJ culture.

Du côté du jazz moderne et acoustique, on trouve Equilibrium, World of blue glass et The key, des morceaux lents, voire rubato, qui expriment souvent une certaine angoisse (par exemple, ces arpèges hésitants ouvrant l’album). World of blue glass, particulièrement, propose une manière intéressante de reformuler la tradition du trio piano.

Le groove intervient de belle manière sur quatre morceaux, où batterie acoustique (le jeu de Cleaver est en tout point excellent) et programmée se mêlent jusqu’à semer le doute sur la frontière entre les deux (une caractéristique également notée dans la chronique d’Anti Pop vs. Matthew Shipp). Si le matériau thématique de ces morceaux est relativement faible (accords mis en boucle), quelques petits effets suffisent à les relancer : le faux fade-out de Vamp to vibe, l’irruption soudaine d’un de ces classic breaks qu’affectionnent les producteurs hip-hop pour re-dynamiser le solo de Jamal sur The root. On pourra trouver la répétition macro-structurelle de Cohesion entêtante ou au contraire stérile.

Le versant ambient jazz se révèle sur deux morceaux, où le statique et le textural dominent. Nu matrix présente la particularité d’un piano traité pour sonner spectral et désaccordé, comme un piano de saloon du 21e siècle.

Notons enfin que Jamal est heureusement beaucoup plus présent que sur Anti Pop vs. Matthew Shipp (Parker aussi, dans une moindre mesure) et dialogue bien avec le leader.

D’à peine plus de 40 minutes, l’album est relativement court (quoique je considère que 40-50 minutes soit une durée idéale), mais je soupçonne qu’Equilibrium, Anti Pop vs. Matthew Shipp et le futur album avec le producteur/rappeur El-P viendront à être considérés comme une trilogie découpée en trois parties égales.