Portrait

Matty Stecks se refait la devanture

Présent et passé se télescopent pour le saxophoniste de la côte est des États-Unis.


@ D.R. avec l’autorisation du Centre Culturel Franco-Manitobain

En 2020, le saxophoniste-clarinettiste Matthew Steckler se donne une nouvelle image en adoptant un nouveau patronyme, Matty Stecks, un nom que certains de ses élèves lui avaient donné et qu’il utilise pour son dernier projet, Musical Tramps. Il est néanmoins plus question de pragmatisme que de crise d’identité. « Pour diverses raisons, il fallait que je rebaptise mes autres projets, explique-t-il. Alors, pourquoi ne pas mettre tout sous le même toit ? »

L’éclectisme de Stecks est quasi légendaire mais il ne s’est jamais autant exprimé qu’avec les Musical Tramps dont l’ambitieux double CD Long Time Ago Ramble (Ropeadope) est sorti en 2020. L’album est bâti autour d’un quartette de base entouré une ribambelle d’invités pour investir des thèmes allant du jazz au R&B en passant par la musique de film ou électroacoustique. Le pari est difficile et certains trouveront le côté fourre-tout irritant, mais une surprenante et indéfinissable cohésion y règne.

Photo : TW Collins

La pandémie de coronavirus a coïncidé avec son retour dans le nord-est des États-Unis, après deux ans passés dans le Manitoba à enseigner à la Brandon University School of Music. Canalisant sa frustration de ne pas pouvoir jouer, il fouille dans ses cartons et dépoussière de vieilles bandes enregistrées avec les deux principaux groupes qu’il a dirigés ces vingt dernières années. Maintenant qu’il est plus proche des musiciens faisant partie de ces projets, le moment semble idéal pour les relancer.

Pour marquer le coup, deux auto-productions voient le jour le 1er janvier 2021. Lucky & Live in STL est un enregistrement en public réalisé à Saint-Louis en 2003 avec Dead Cat Bounce. Ce sextette qui comprend pas moins de quatre saxophonistes dont Charlie Kohlhase, un vétéran de la scène bostonienne, est le premier groupe de Stecks en tant que leader. Les musiciens passent allègrement d’un style à l’autre en conservant toujours un côté festif et de somptueuses harmonies. Le tout est parsemé de soli tonitruants et de clins d’œil à la Nouvelle-Orléans.

L’autre album s’intitule Night Cravings par le quintette Persiflage. Il avait été conçu en studio en 2013 mais malheureusement, il n’avait pas trouvé preneur à l’époque. Pouvant bénéficier gratuitement d’une mastérisation, Stecks saisit l’occasion pour le finaliser. Le groupe est bien différent de celui qui avait enregistré le premier opus, Persiflage (Innova Recordings), en 2006. « Night Cravings inclut des musiciens d’une nouvelle génération qui n’ont pas besoin d’autant de notations sur les partitions, explique le saxophoniste. Le groupe est plus interactif et cherche à créer un climat plutôt qu’à jouer des soli. »

Ce qui fédère tous ses projets, c’est un lien étroit avec la tradition. « Je ne suis ni d’accord ni en désaccord avec tel ou tel point de vue. En tant que musicien, mon rôle n’est pas de décider ce que le public doit entendre. Les différences de perception font partie du dialogue entre les musiciens et le public, affirme le saxophoniste. Cela dit, deux tendances cohabitent en moi. D’une part, une énergie pure et rebelle avec l’envie de transgresser les règles. D’autre part, la tradition qui vient du conservatoire et qui continue d’orienter ce que je fais. »

Dans un avenir peu lointain, Stecks sera artiste résident à la Millay Colony for the Arts. Il compte en profiter pour explorer les possibilités que la pandémie a mises en évidence. « Je réfléchis à l’idée de concevoir des œuvres similaires à des installations incorporant le son et la vidéo qui pourraient être exposées dans des galeries d’art ou dans des lieux publics, dit-il. L’objectif n’est pas de remplacer les moyens de production traditionnels de l’art mais de créer un nouveau débouché pour la musique. »