Chronique

Mihály Borbély

Hommage à Kodály

Mihaly Borbély (cla, ss, tarogato, tilinko), Daniel Szabo (p), Balasz Horvath (dms), Balazs Kantor (cello)

C’est un dialogue entre la clarinette de Mihály Borbely et le violoncelle de Balazs Kantor, tous deux émérites professeurs de musique au conservatoire de Budapest, qui ouvre cet hommage au grand compositeur hongrois Kodály. Avec le soutien du pianiste Daniel Szabo, il donne le ton d’une musique en liberté qui prend racine dans le cœur battant de l’Europe centrale…

Zóltan Kodály est certainement l’un des grands précurseurs européens d’un courant dense qui emprunte autant à Debussy qu’aux musiques populaires métissées des Balkans. L’œuvre de ce Hongrois resté dans l’ombre de Bartók s’inscrit peut être plus nettement dans ce riche patrimoine, mais sans négliger l’improvisation, perçue comme constitutive d’une expression populaire et ouverte, comme un moyen de transmission et d’échange. Sa musique s’appuie autant dans le travail du contrepoint que dans celui de la voix, son véritable domaine d’expression. C’est d’ailleurs du chant que le quartet, complété par un violoncelliste expressionniste, se rapproche bien souvent, dans une structure très organique.

L’hommage au maître est avant tout un pont jeté sur le Danube, entre jazz libertaire et volonté de se réapproprier un patrimoine vivant. Borbély, qui a déjà joué collaboré avec Elemer Balazs dans ses tentatives de rapprochement entre jazz et musique traditionnelle, utilise autant la clarinette et le saxophone soprano que les instruments hongrois traditionnels tels que le tarogato [1] ou le tilinko [2], avec pour résultat un vrai métissage, revendiqué et parfaitement réussi.

Au travers de cet hommage, Mihály Borbély propose ici un disque au confluent de plusieurs expressions. Musique de chambre, musique des Balkans surgissant au détour d’une ponctuation de clarinette soutenue par un piano badin et voyageur, et enfin jazz européen, créatif et ouvert… Tout cela s’entremêle et créée une musique de l’entre-deux, un langage poétique et généreux à la fois, chimérique et terrien.

En alternant morceaux de Kodály et de Borbély, la section rythmique solide et frugale (le contrebassiste Balazs Horvath et le batteur Itsván Baló), comme les solistes - plus flamboyants - laissent libre cours à un enthousiasme et une complicité qui se traduisent par une musique unie, collective, libérée des étiquettes et des frontières, mais non dénuée de racines.

par Franpi Barriaux // Publié le 27 juillet 2009

[1Sorte de clarinette en bois, en si bémol, dont le son rauque est très utilisé dans la tradition orientale balkanique.

[2Flûte harmonique sans trou, principalement utilisée sur les rives de la mer Noire.