Chronique

Miklós Lukács Cimbiosis Trio

Responses to Ligeti

Miklós Lukács (cymb), György Orbán (b), István Baló (dms) + Ligeti Ensemble.

Label / Distribution : BMC Records

Homme de questionnement, le grand compositeur hongrois György Ligeti a souvent attendu des réponses dans la plupart de ses travaux. Fasciné par le jazz (il citait souvent Monk parmi ses influences), Ligeti a en retour inspiré les musiciens de jazz, notamment les pianistes qui ont toujours porté son œuvre aux nues, de Benoît Delbecq à Myra Melford en passant par Roberto Negro. Véritable institution dans son pays, lui qui naquit pourtant Roumain dans les Carpates à majorité magyarophone, il semblait naturel que le label Budapest Music Center lui rende hommage à l’occasion de son centenaire. C’est donc le joueur de cymbalum Miklós Lukács, lui même très marqué par la musique contemporaine, qui propose avec son Cimbiosis trio des Responses to Ligeti qui tentent de gommer davantage les frontières entre jazz, musiques contemporaines et musiques traditionnelles, embrassant en plein le désir du compositeur, pour qui l’œuvre de Bartók avait elle-même grandement servi de modèle.

On retrouve dans « Prestissimo Minaccioso e Burlesco », l’une des dix pièces pour quintette à vent de Ligeti écrites en 1968, toute la philosophie de Lukács, notamment lorsque ses invités du Ligeti ensemble, le grand clarinettiste Csaba Klenyán en tête, se confrontent à la contrebasse sèche et incisive de György Orbán. Le dialogue est là, il s’installe en douceur pour parvenir au même langage qui trouve dans « Presto Staccatissimo e leggiero » sa plus belle expression. Le dialogue entre les vents (remarquables Bálint Mohai au basson et Dániel Ella au hautbois) et la confrontation avec le cymbalum sont fascinants, d’autant que Lukács joue son rôle d’entremetteur de la plus belle des façons, son instrument jouant avec ses compagnons comme un pianiste aborderait Ligeti pour l’offrir au jazz, répondant pleinement aux questions soulevés par la musique du maître.

Avec son précédent Music From The Solitude of Timeless Minutes, le Cimbiosis trio posait clairement la question du temps. On retrouve finalement ici le même type d’interrogations dans les courts morceaux proposés dans ce bel album, auquel l’orchestre et ses invités répondent tout aussi brillamment. Assez discret sur l’ensemble de cet enregistrement d’une grande finesse, assez canonique dans le catalogue de BMC, le batteur István Baló s’offre sur « Vivo Energico / Response » l’une des plus belles fusions proposées par Responses to Ligeti, la base rythmique s’enflammant au contact d’un cymbalum porté par les basses et le flottement des vents. Ligetien en diable.